D’un point de vue littéraire, Hank Moody (Duchovny, parfait dans la nonchalance) se situerait quelque part entre Ellis et McInerney, d’ailleurs cités comme références : sarcastique, nihiliste et mal élevé. D’un point de vue existentiel, c’est à peu près pareil : écrivain en manque d’inspiration, à la dérive depuis que sa femme l’a quitté pour un autre, Hank traîne son désarroi et son amertume sous le soleil californien de Venice Beach au volant d’une Porsche aussi déglinguée que lui, alcool et cigarettes comme muses inspiratrices et libido en folie. Mélange astucieux de Weeds (pour l’irrévérence morale et religieuse) et Sex and the city version FHM (pour le piquant des dialogues et des scènes "érotiques"), Californication a tout de la série rock’n’roll parfaitement dans l’air du temps où la normalité se situerait finalement dans une insociabilité plutôt cool (Dr House, Dexter…), partagée entre un cynisme imperturbable et une sensibilité hésitante.
Hank est un sale type que l’on apprécie pour son insolence naturelle, sa muflerie désinvolte et son côté affreux garnement qui n’hésite pas à dire ce qu’il pense à des interlocuteurs déconcertés, avec toutes les conséquences (jubilatoires le plus souvent) que cela peut avoir sur la dynamique relationnelle. Et s’il refuse de se ranger dans un ersatz de bonheur domestique qui paraît l’effrayer, il semble dans un même temps le désirer furieusement, tentant d’élever sa fille du mieux qu’il peut et déterminé à reconquérir son ex-compagne qu’il harcèle comme une groupie énamourée.
Obsédé par les femmes et par la vérité dans ce qu’elle peut avoir de plus cru et de plus destructeur (pour lui et/ou pour les autres), Hank est un électron libre s’en remettant aux hasards infinis et variés que chaque jour est capable de lui apporter. Le sexe et l’humour vache ne sont pas les fondamentaux de la série qui, en aucun cas, ne peut se réduire à eux seuls, car derrière ces deux spécificités particulièrement vendeuses se cache avant tout une belle histoire d’amour qui ne s’est jamais terminée. Associant l’impertinence aux sentiments, Californication surpasse rapidement son image de série malpolie pour révéler les désirs de midinette d’un rebelle faussement amoral, mais complètement amoureux.