Inévitablement, difficile de ne pas penser à Friends, de ne pas l’avoir toujours en tête en regardant How I met your mother ; souvenirs trop présents, atmosphère trop précise, répliques trop cultes (le "Legendary!" ne fait pas le poids face au vraiment légendaire "Oh my God!"). Sans chercher à comparer, le parallèle se fait pourtant de lui-même, presque inconsciemment, et parce que certaines ressemblances sont trop effectives, impossibles à ignorer dans leur tradition de sitcom typiquement new-yorkaise : même configuration New York/bar/appartement, même dynamique de groupe, amour contrarié pour Ted et Robin rappelant celui de Ross et Rachel, Marshall et ses faux airs à la Joey, Barney et ses faux airs à la Chandler (et plus encore avec sa profession qui reste, comme son illustre prédécesseur, inexplicablement mystérieuse)...
À partir de la saison 2, la série commence à prendre ses marques, à imposer son style et son univers sympathiquement décalé. Les intrigues ressassent toujours les thèmes ordinaires de l’éternel thirty-something (mariage, vie à deux, difficultés des relations…) et restent, en définitive, étroitement confinées dans une mécanique trop précise de sitcom classique. Certes, celles de Friends ne brillaient pas non plus pour leur audace et leur originalité, mais How I met your mother a réellement contre lui le fait de venir après l’âge d’or de la sitcom (Friends, Sienfield, Will & Grace…), maintenant tombée en presque désuétude, et lui donnant à coup sûr un côté quelque peu démodé.
Ce qui, finalement, fait l’attrait (l’intérêt ?) principal de How I met your mother est son incroyable dispositif narratif, son rythme et ses jeux sur une temporalité joyeusement maltraitée : flash-backs de plusieurs années à quelques secondes avec, parfois, des flash-backs à l’intérieur des flash-backs (le principe de la série étant lui-même agencé par rapport à un flash-back de 25 ans), flash-forwards, arrêts sur image, effets différés (la chèvre de Lily, l’ananas, les cinq gifles de Marshall…), split screens, événements à multiples lectures… Ce processus de la mémoire vagabonde, du temps recomposé, trituré, offre une multitude de mouvements et de collisions scénaristiques permettant de suivre, avec une attention stimulée (et nécessaire), un récit à la trame rebattue.
Ne parvenant pas à s’affranchir complètement des codes surannés de la sitcom, How I met your mother se savoure sur le long terme, s’apprivoise à force de volonté et de patience (la saison 1 est médiocre), et grâce aussi à sa délirante structure rétrospective. Toujours amusante, souvent drôle, parfois hilarante (Lily transformée en "nain bossu" et poursuivant une rivale, les manies de chacun exposées au grand jour…), How I met your mother demeure cependant sans totale efficacité par rapport à de nombreuses séries actuelles, plus innovantes et indépendantes d’un univers ici très marqué.