Pour F. et P.
On conchie couramment la presse quand elle s’emballe outrageusement par rapport à un film de merde ou un film très bof, et finalement on le fait rarement envers les blogueurs qui, trémolos dans la voix, larmes aux yeux et tout le tralala, sortent les grands mots et vous promettent craché juré le nirvana cinématographique en vous parlant d’un film qui les a carrément trop bouleversé tu vois quoi. Vous, bonne pâte quand même, vous opinez, vous faites hmm hmm derrière votre bière (ou était-ce un verre de rouge ?), vous faites semblant de comprendre en vous disant que c’est pas gagné non plus. Le film, faut d’abord que vous le voyez, après on avisera. Après on discutera, pinaillera, s’accordera ou s’engueulera, c’est selon.
J’aurais dû m’en douter en même temps. Déjà parce que Sin nombre (sur un sujet quasi identique) m’avait royalement fait chier, ensuite parce que ça sentait d’avance le fennec quand on tombait sur la bande-annonce à tendance ONG. Mais c’est difficile aussi de descendre un film pareil, pétri de trois milliards de bonnes intentions sur un sujet (l’immigration clandestine sud-américaine vers les États-Unis) qui mériterait qu’on ouvre sa gueule pour autre chose que des piques et des invectives de saloperie de bobo parisien blasé (et parce qu’on se sent presque minable de ne pas en dire du bien). Le truc qui dessert le film, c’est ce côté Livre noir du migrant sud-américain, genre le catalogue qui compile toutes les tuiles qui peuvent t’arriver si tu rêves d’Hollywood et de bannière étoilée dans ton bidonville guatémaltèque.
Femmes et filles enlevées pour aller tapiner dans des bordels sympathiques, police des frontières pas super tendre, américain dingo de la gâchette qui joue les chasseurs de sans-papiers, rackets, passeurs sans scrupules, etc. Le film pourrait limite servir de propagande U.S. pour faire comprendre aux Chicanos ce qui les attend s’ils veulent passer de l'autre côté. C’est généralement long et ennuyeux, et l’intérêt se ravive seulement quand les emmerdes pleuvent sur Esteban, Zia et Tao (sans blague, pourquoi j’ai plusieurs fois pensé aux Mystérieuses cités d’or pendant la projection en voyant ces trois zozos à la recherche de l’Eldorado américain ?).
La fin enfonce le clou et en rajoute dans le pathos démagogique (fuir la misère pour en supporter une autre, ouais, merci du tuyau) en montrant Juan, victime expiatoire d’une mondialisation barbare, nettoyer les restes gluants d’une usine de barbaque, celle qu’on nous sert ensuite dans nos assiettes, nous les nantis bouffis aux hormones capitalistes. Certes, le film se refuse à édulcorer la réalité (on imagine bien le triste sort réservé à Sara) et un propos (universel évidemment) dénonçant les horreurs d’une immigration le plus souvent illusoire, et Diego Quemada-Diaz, ancien assistant de Ken Loach, a voulu faire œuvre de nécessité, de révolte et d’humanisme, mais bon sang, qu’il le fait maladroitement !