C’est l’histoire d’une fleur, ou plutôt de fleurs, belles et rouges. Et étranges. Créées et développées par des scientifiques, ces fleurs, nommées Little Joe, sont censées avoir des effets thérapeutiques sur l’être humain en le rendant plus heureux, plus apte au bonheur. Mais elles libèrent également un pollen qui semble le changer, imperceptiblement, le rendre distant et insensible, uniquement préoccupé par ces fleurs qu’il soigne et protège, et propage. Chez Alice, l’une des scientifiques à l’origine de ces fleurs (et dont le fils a été "contaminé" par l’une d’elles), un doute émerge, une évidence se fait jour (ou serait-ce le fruit de son imagination ?) : sa création serait-elle en train d’évoluer dangereusement, de prendre le contrôle sur sa propre existence en soumettant l’être humain à ses volontés de survie et de développement ?
D’abord complètement intrigant avec son ambiance feutrée pop minimaliste (décors épurés, couleurs et costumes pastels, plans géométriques, musique abstraite…) et son histoire singulière de fleurs inquiétantes, Little Joe finit rapidement par tourner en rond et ne plus savoir quoi dire, comme laissé à l’abandon, vidé de son potentiel et de ses aspirations. Les femmes et les hommes deviennent dénués d’émotions, indifférents à tout, absents souvent, et ? Et rien. Le scénario se satisfait de ce simple postulat sans en étoffer son cheminement ni les thèmes qu’il paraît vouloir aborder, limitant la nature du film à une fable guindée et pince-sans-rire au goût d’inachevé.
Est-ce la parabole d’une société qui ne laisse plus de place au libre arbitre, à la contestation et à l’altruisme ? D’une uniformisation (une déshumanisation) de l’individu au profit d’une norme, d’une masse dénuée d’empathie et de résistance ? Est-ce le cauchemar éveillé d’une femme à la maternité troublée, qui sent son fils grandir et lui échapper ? Tout cela peut-être ? On finit par s’en moquer tant Jessica Hausner, ancienne disciple de Michael Haneke, peaufine sa mise en scène, fignole son décorum, mais en oublie d’approfondir ses sujets et les interrogations qu’ils suscitent (et passant même à côté de nombreuses scènes qu’elle aurait pu transformer en grands moments d’angoisse, voire de cinéma). Et puis que dire de ce prix d’interprétation cannois pour Emily Beecham (convaincante sans plus) que l’on a vraiment du mal à comprendre, quand Virgnie Efira, Léa Seydoux, Sara Forestier, Valerie Pachner, Adèle Haenel ou Noémie Merlant le méritaient, elles, haut la main ?