Plus d’un an et demi après sa Palme d’or surprise (tout le monde attendait Cold war, Burning ou Dogman, mais ce fut Une affaire de famille), Kore-eda Hirokazu, sous l’impulsion de Juliette Binoche, est venu réaliser en France (plus précisément à Paris) son nouveau film. Une autre "affaire de famille" autour des relations conflictuelles d’une actrice vieillissante et capricieuse (et qui vient de publier ses mémoires) avec sa fille scénariste, puisque la famille reste LE grand sujet qui passionne Hirokazu depuis un moment, de Nobody knows à Tel père, tel fils en passant par Still walking. La vérité déroule donc le programme habituel d’Hirokazu au cœur de l’automne parisien avec ce qu’il faut de mensonges, de chamailleries, de culpabilité, d’amour et de pardon.
Mais en décidant de s’expatrier le temps d’un long-métrage, Hirokazu a visiblement perdu en route sa délicatesse et sa justesse de ton, sa "petite musique" (à l’instar par exemple d’Asghar Farhadi avec Le passé). Son scénario fourre-tout n’est qu’une suite de poncifs (voir cette danse très "Amélie Poulain" dans la rue au son d’un accordéon chabadabada…), de lieux communs incapables d’engager une force dramatique et d’apporter une charge émotionnelle au sujet. Et puis cette mise en abîme du film dans le film, faisant évidemment résonner la situation personnelle de la mère et de la fille à l’histoire d’une mère et d’une fille se retrouvant à travers l’espace et le temps, a quelque chose de lourd, d’hyper évident, surlignant inutilement enjeux et propos narratifs.
Les personnages s’invectivent et se réconcilient devant nous sans que l’on éprouve pour eux le moindre attachement, et il pourrait bien se révéler n’importe quelle autre sournoiserie ou éclater n’importe quelle autre bisbille familiale, cela nous laisserait et de marbre et de glace tant ils n’ont ni consistance ni originalité. Catherine Deneuve et Binoche sauvent les meubles comme elles peuvent (le pauvre Ethan Hawke, lui, ne sert strictement à rien dans un rôle de papa gâteau tête à claques), et leur prestation en mode "zone de confort" séduit vaguement, à défaut de marquer les esprits, à l’image d’un film pépère indigne du talent d’Hirokazu.