Antichrist, version apaisée et lumineuse, plus discrète : histoire de deuil (d’un enfant, d’un mari), d’arbre(s) et de nature féconde, parfois inquiétante, et puis Charlotte, Charlotte, Charlotte, toujours aussi belle, aérienne, et belle encore à chaque plan, à chaque rayon de soleil, à chacun de ses souffles ou de ses murmures, et quand elle esquisse de simples gestes, sourit à ses enfants, à ce nouvel homme dans sa vie après celui qu’elle aimait, follement, et parti d’un seul coup, comme par magie (noire), mais là toujours au cœur de cet arbre incroyable, figuier majestueux, emprise ancestrale qui surplombe la maison, l’étreint, se manifeste souvent en maintes folies, grenouilles, racines, branches amoureuses, luxuriances apparues tel un miracle entre les jours et les nuits à Noël passés au bord de l’océan d’Australie, ravissante comme jamais, caressant les feuilles ou pourchassé par des méduses géantes.
Où la vie, même après la mort, même entièrement face à elle, s’étonne encore de tant de force et d’intensité, de rires d’enfants, de premiers mots, d’une aube magnifique qui voit encore celui qu’elle aimait, follement, vagabonder dans les herbes ou rêvasser dans le hamac sur la terrasse autour de la maison où ils s’allongeaient ensemble avant, tendrement et complices, et s’étonne aussi d’illuminer l’enfance d’un si bel imaginaire, inventer sa vie, comment sera-t-on à nos âges différents, à Paris ou ailleurs, parler à l’écorce, grimper au faîte pour observer, pour admirer le monde, et d’une envie de vivre jusqu’au bout de ce monde dont les éléments, déchaînés, permettent de reconstruire enfin.
Plusieurs fois, l’émotion surgit d’un rien, si précieuse, et pleine de cette œuvre naïve, douce et sensible, embarrassée, mais guère, de métaphores un peu gauches ou trop appuyées, qui parle de l’absence et de la continuité des choses, puis qui bouleverse lors de ce dernier plan, étrange, non-dit, d’une touchante simplicité, d’une puissante inspiration aussi, quand, dans cette voiture réchappée de la tempête, aux premières notes de To build a home de The Cinematic Orchestra, les enfants dorment à l’arrière et leur mère file, roule, trace, les mène vers l’inconnu, mystérieux mais renaissant, alors quelques affections parviennent doucement à nous et restent là autour des yeux, au bord, ont envie mais non, on ne pleure pas quand on est triste (et quand on est heureux ?)…