Petite mise au point avant d'attaquer : pour ceux plus ou moins fan de rock FM 80’s ringard (comme moi) et pour ceux qui ont grandi dans les années 80 (comme moi aussi) en écoutant ça en boucle dans son walkman en allant au lycée avec la nuque longue et ses Adidas Lendl aux pieds, ce Rock forever sera comme un long riff électrique qui vous prendra là (ou ailleurs). Pour les autres en revanche, la pilule sera peut-être un peu plus dure à avaler… Entre dérision assumée et vrai amour du genre, la comédie musicale d’Adam Shankman s’amuse des clichés, ose le second degré et rend, bille en tête, hommage aux légendes de ce rock de seconde zone, conspué et souvent mal aimé.
Le scénario, rachitique, n’est évidemment pas le point fort du film. Conte de fée éculé, success story hollywoodienne déjà vue, l’intrigue empile les sempiternels thèmes de la bluette à décibels made in Broadway (de Burlesque à Dreamgirls en passant par Coyote girls et bien d’autres encore…) : une fille super mignonne débarquée de sa province plouc (Julianne Hough, mix parfait entre une Barbie plastique et la petite sœur de Christina Aguilera) rencontre un garçon super mignon à L.A. (Diego Boneta, belle gueule et œil de velours). Les deux veulent réussir, les deux veulent y croire, rêvent de chanter, de monter sur scène et de devenir une star. On est en 1987, on portait les cheveux longs, coiffés à la Bonnie Tyler ou à la Richard Marx, la musique ressemblait encore à quelque chose, Venice Beach était déjà l’endroit le plus cool de la planète, les disquaires étaient des dieux et Guitar hero et Glee n’existaient pas encore.
Tous les acteurs jouent le jeu avec un entrain communicatif et une joie éclatante, Tom Cruise notamment en ersatz d’Iggy Pop (la performance est bluffante, et puis c’est quand même autre chose que Jérémie Renier en Cloclo). Son duo pimenté avec Malin Akerman sur le I want to know what love is de Foreigner est déjà culte (sans oublier leur roulage de pelle, ou plutôt LE roulage de pelle du siècle) et celui aussi, irrésistible, entre Alec Baldwin et Russell Brand sur le Can’t fight this feeling de REO Speedwagon (il fallait oser) remis au goût du jour par Gosling et Winding Refn à l’époque de Drive. Que ce soit sur le Paradise city de Guns N’ Roses, le We built this city de Starship ou le Hit me with your best shot de Pat Benatar, chacun pousse la chansonnette avec brio sous les spotlights brûlants du Bourbon room (en référence au Roxy et au Whisky a Go Go, célèbres clubs de rock californiens).
Entre deux prestations vocales, Rock forever ne s’embarrasse d’aucune subtilité, privilégiant les bons sentiments et l’humour candide (entre autres un clin d’œil hilarant aux premiers boys band, en particulier New kids on the block). Et pour ceux ayant vu l'incroyable scène finale du dernier épisode des Soprano, il y aura là un plaisir évident à réentendre le Don’t stop believing de Journey dont le film, niais mais sympathique, serait finalement une espèce de libre adaptation : "Just a small town girl, livin’ in a lonely world (…) Just a city boy, born and raised in south Detroit (…) For a smile they can share the night, it goes on and on and on and on". Et puisque Le roi lion et ABBA ont eu le leur également, à quand un musical avec tous les tubes du trio infernal de producteurs anglais Stock, Aitken et Waterman, ou même la "crème" de la chanson française des années 80 (Jean-Pierre François, Début de soirée, David et Jonathan…) ?