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A single man

George a décidé de mourir. L’emprise immense d’un chagrin plus immense encore qui, tous les jours, le commotionne dès l’aurore, le résigne enfin à s’abandonner au néant pour y retrouver, peut-être et sans doute le désire-t-il de tout son soûl, le seul vrai amour qu'il eût, mort dans un accident de voiture sous des flocons de neige. Les minutes de cette dernière journée vont s’égrener comme un lancinant tango, temps et heure souhaités de la mise à mort s’imposant à George à chaque seconde, à chaque respiration, à chaque soupir passés, ralentis ou arrêtés. Toutes ces horloges, toutes ces pendules et ces montres le lui rappellent sans cesse et lui évoquent autant le passé (et le présent) qu’un avenir incertain, et des souvenirs flagrants aussi, sidérés de bonheur autrefois, une rencontre un soir quand il s’était mis à pleuvoir très fort, une sieste alanguie sur des rochers déchiquetés par le soleil, une soirée tendre et complice dans la douceur d’un canapé…

Plusieurs approches, hasards et événements vont toutefois permettent à George d’entrevoir une grâce, un sursis, un mieux éventuel dans la mélancolie d’un impossible deuil, en particulier ses entrevues avec Kenny, éphèbe au regard bleu troublant, ange gardien ou ange de la mort dans une même tentation, qui vont le convaincre, pas à pas, d’envisager une nouvelle fois l’importance et l’ivresse de l’existence. Ses questionnements, ses humeurs changeantes altèrent parfois la chromatique même des plans qui passent de tons fades et délavés à des tonalités plus vives dès que l’enchantement et la joie le conquièrent soudain, d’un tête-à-tête avec un beau gigolo à une soirée un peu folle avec sa meilleure amie.

A single man est un film d’esthète conscient de sa propre sophistication (mais n’empêchant jamais, au contraire, une émotion qui jallirait de cet écrin chic et figé, à l’image de la renaissance inespérée de George, séduisant et guindé), conscient aussi des références inévitables qui entrelacent Almodóvar à Kenneth Anger, Wong Kar-wai à Bruce Webber. Toute une filmographie, toute une iconographie précises du mélodrame et de l’esthétique vintage masculine "sensualisant" la mise en scène de Tom Ford jusqu’à l’infini détail (décors, costumes, accessoires, musique, tout est sublime) et jusqu’au grain épais d’une belle photographie qui tamise, pare de volupté cet élégant désespoir de vivre, ce mouvement ascendant d’un homme vers un regain de vie.

Et peut-on ainsi estimer que l’orage, à la fin, soit passé, cet orage qui a vu une existence malmenée par la solitude et la perte de l’être aimé, du seul qui ait absolument compté ? Etta James le chante un instant de sa voix chaude et assurée, "All I do is pray the lord above will let me walk in the sun once more (…) stormy weather, since my man and I ain’t together"… Alors pouvoir vivre à nouveau, le comprendre peut-être et le vouloir en un sourire, puis mourir enfin dans un dernier baiser.
 

Tom Ford sur SEUIL CRITIQUE(S) : Nocturnal animals.

A single man
Tag(s) : #Films

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