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The studio

Peut-on encore se marrer, encore décortiquer jusqu’à l’os et mettre en abyme l’univers du cinéma quand presque tout, depuis tant d’années, a été dit, montrer et sublimer ? De Huit et demi à La nuit américaine (les incontournables), de Boulevard du crépuscule à Mulholland Drive (les chefs-d’œuvre noirs), de The player à Ed Wood (les drolatiques), d’Entourage à The offer et The franchise (les séries), le cinéma a été analysé, idéalisé et vilipendé en long, en large et en travers. Comment alors renouveler l’exercice de l’autocritique ? Du vibrant hommage ou du méchant dézingage ? Seth Rogen et Evan Goldberg ont trouvé la parade : faire du neuf avec du déjà-vu. Recycler les clichés. Jouer en même temps l’autodérision et la lucidité.

Matt Remick est promu directeur de Continental Studios, prestigieux studio hollywoodien sur la corde raide. Directeur en pleine crise artistique, tiraillé entre devoir faire du pognon avec de grosses machines commerciales insipides (par exemple se retrouver à produire un film sur la boisson Kool-Aid surfant sur le succès de Barbie), vouloir financer des films d’auteurs qui ont de la gueule (le dernier Martin Scorsese par exemple), et qui croit encore à la beauté de la pellicule (quand tout est en train de basculer dans le numérique). Mais entre devoir, vouloir et croire, quel peut bien être sa marge de manœuvre dans un milieu aussi impitoyable qu’Hollywood ?

À l’instar de l’excellente série The comeback qui, elle, brocardait l’univers de la télé en n’épargnant guère son héroïne, The studio, lui aussi, n’hésite pas à malmener Remick qui va aller de déconvenues en moments gênants, de camouflets en humiliations, et à travers lesquels vont se révéler les tares et les bassesses d’Hollywood. Mais aussi, plus rarement, les quelques moments de grâce, les instants magiques. Grinçant, jubilatoire, pullulant de stars et rondement mené (tout est filmé en longs plans-séquences rythmés par la bande-son tout en percussions jazzy d’Antonio Sánchez, à peu près la même d’ailleurs que celle qu’il avait composée pour Birdman), The studio parle d’un (ancien ?) monde qui paraît à la fois en constante évolution, en plein chaos (constant lui aussi) et en perdition : infantilisation XXL du public, rachat des studios par de grosses firmes aux intentions mercantiles, pouvoir expansif des plateformes de streaming

Plusieurs épisodes sont franchement hilarants : celui où Sarah Polley tente désespérément de tourner un plan-séquence alors que le temps joue contre elle (et Remick aussi, qui enchaîne les bourdes et les catastrophes sur le tournage), celui où l’équipe cherche à composer le casting idéal pour le film sur Kool-Aid, mais se perd dans les affres du politiquement correct, ou celui se déroulant lors de la cérémonie des Golden Globes. Entre dialogues percutants et situations comiques, parfois délirantes (gérer la bande-annonce d’un film de zombies scato en pleine soirée caritative contre le cancer), parfois gênantes (comment dire à Ron Howard que la deuxième partie de son prochain film est particulièrement barbante ?), et malgré sa vision acide d’une industrie cinématographique qui semble avoir définitivement vendue son âme au diable, The studio est avant tout un grand cri d’amour au septième art dans tous ses états.

The studio
Tag(s) : #Séries

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