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Permis de tuer

Permis de tuer reste et restera, bien avant Casino Royale, le plus implacable des James Bond, le plus carnassier aussi et le plus proche du cynisme et de la violence éclaboussant, comme un trop de giclées de sang, les bouquins écrits par Ian Fleming. Le James Bond papier est un connard misogyne et froid, anti-héros puant l’alcool et la clope, le foutre et la sueur, peu sympathique, peu scrupuleux, peu recommandable. Ces traits de caractère, pas vraiment glorieux, sont décelables dans les premiers James Bond écran, Sean Connery, au moins jusqu’à Opération tonnerre, restituant plus ou moins bien ce côté mâle dominateur et arrogant.

Plus tard, la partie sombre du personnage sera ignorée au désavantage d’un héros plus mainstream et plus identifiable. Roger Moore en fera une sorte de clown toujours avec un bon mot, galant et un rien précieux. Timothy Dalton reprend le rôle avec brio et montre ce qu’il a dans le ventre avec Tuer n’est pas jouer, un presque retour aux sources. Mais c’est véritablement ici, dans Permis de tuer, que les scénaristes osent enfin réhabiliter la noirceur des romans. Tout y passe : cœur arraché, femmes fouettées, violées et tuées, Felix Leiter mutilé par un requin affamé, corps que l’on explose, que l’on brûle, que l’on empale, que l’on mitraille ou que l’on broie (Benicio del Toro, pour son premier rôle en petite brute fracasse, finira en lambeaux de chair, proprement déchiqueté par une machine infernale).

C'est ce qui surprend vraiment dans Permis de tuer, ce climat alors inédit pour la saga (pour la première fois, un James Bond sera interdit aux moins de 12 ans un peu partout dans le monde), réaliste, sombre, irrigué par l'obsession de la revanche et par le gout du sang. Pas de méchant mégalomane (Robert Davi, grandiose en baron de la drogue terrifiant), pas de gadgets improbables ni d’intrigues rocambolesques, mais une simple histoire de vengeance, rêche et impitoyable. Les scènes d’action, inhérentes au genre, sont ici flamboyantes (et magnifiées par la superbe composition de Michael Kamen), et le duel final demeure un monument de grandeur destructrice, poursuite apocalyptique entre plusieurs monstres de métal déchaînés se terminant en véritable fin du monde. Dalton peut partir tranquille : Permis de tuer est un chant du cygne sauvage et mémorable.
 

James Bond sur SEUIL CRITIQUE(S) : Dangereusement vôtreCasino RoyaleQuantum of solaceSkyfall, Spectre, Mourir peut attendre.

Permis de tuer
Tag(s) : #Films

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