Ce film va se faire descendre, se faire lapider, écharper, facilement et sans problème. Déjà de par les personnalités en jeu : Samuel Benchetrit est considéré comme un branleur et un mauvais metteur en scène, et Anna Mouglalis en énerve beaucoup, on la trouve horripilante, pas super bonne actrice. Et puis le film ensuite. Mauvais, très mauvais. Vraiment mauvais. Et puis moche, visuellement très moche (caméra numérique baveuse et tremblotante, lumières blafardes et ternes). Et puis la musique de Raphaël est affreuse aussi, toujours en contre-point, toujours au mauvais moment. Et puis les dialogues se donnent un genre, sentencieux et lourds. On dirait du sous-Duras, ou du sur-Musso.
Le sujet d’Un voyage avait pourtant quelque chose de fort et de bouleversant (rappelant celui de Quelques heures de printemps). Un couple, Daniel et Mona, s’en va en Suisse. Mona va mourir. Mona veut mourir, même si c’est Daniel qui ressemble à un zombie (Yann Goven, hagard et famélique). Elle, elle cherche encore des instants de vie, une dernière fois… Benchetrit rate absolument tout dans son film, ses effets, sa mise en scène, ses intentions et les fracas d’émotion censés venir nous chambouler. Il sauve quelques séquences du carnage (la première à l’école, la dernière dans la chambre d’hôtel, et celle avec le flic aussi) et en bousille le reste (la scène où Mouglalis et Goven imitent des gorilles en plein milieu des pâturages est un grand moment de solitude cinématographique).
Heureusement, il y a Mouglalis (que Benchetrit trouve quand même le moyen d’enlaidir). Mouglalis, c’est comme Fanny Ardant, c’est d’abord une voix incroyable, rauque et ensorcelante qui vous chavire les oreilles. Il faudrait en faire des symphonies, des opéras… Et puis elle a ce physique longiligne, ondulant. Mouglalis, quand elle marche, elle a toujours une sorte de déhanchement naturel sexy, un mouvement étrange qui la désaxe d’une façon élégante et extraterrestre. On dirait une mante, une mante haute couture. Mouglalis donc. On tient pour elle. On résiste pour elle. Anna, cette seule étoile qui brille est pour vous.
Samuel Benchetrit sur SEUIL CRITIQUE(S) : Chien, Cette musique ne joue pour personne.