Inspiré de faits réels, est-il annoncé dès l’ouverture du nouveau film de Justin Kurzel. Ces faits, ce sont ceux qui entourent The order, groupe armé néonazi des États-Unis et de son fondateur, Robert Jay Matthews. Groupe armé qui, au milieu des années 80, dans l’état de Washington, prôna la révolution contre le gouvernement américain (et la suprématie de la race blanche, of course) en cherchant à financer ses actions par le vol, le braquage de banques et la contrefaçon de billets. Il sera également à l’origine de l’assassinat de l’animateur de talk-show radio Alan Berg, considéré comme l’un des ennemis à abattre du groupe, assassinat qui inspirera, entre autres, Oliver Stone (Talk radio) et Costa-Gavras (La main droite du diable).
Kurzel et son scénariste Zach Baylin, ainsi que ses fidèles collaborateurs (Adam Arkapaw à la photographie et Jed Kurzel à la musique), ont opté pour une approche anti-spectaculaire des faits (certes, il y a bien quelques scènes de braquage, mais elles restent très sobres dans leur déroulement), privilégiant ainsi, sous des airs de polar burné à l’ancienne (et un rien convenu, avouons-le), le portrait glaçant d’une partie de l’Amérique embourbée dans une mécanique fanatique sur fond de fondamentalisme religieux. Mécanique qui s’est emballée et s’assume désormais au grand jour, en particulier dans une Amérique trumpienne (et muskienne) décomplexée de tout (dans les paroles comme dans les actes), et où même le film, en raison de son sujet "sensible" (du moins pour les Américains), a posé problème lorsqu’il a fallu le distribuer (pour finalement se retrouver sur une plateforme de streaming).
"Sensible" parce que The order sonde cette dérive identitaire d’un passé pas si éloigné que ça qui aujourd’hui, et pas seulement en Amérique, revient en boucle et en force. "Comme une farce", dirait Karl M. Le film fait d’ailleurs mention des Carnets de Turner, roman ouvertement raciste et antisémite écrit par William Luther Pierce et qui décrit un coup d’État mené aux États-Unis par des suprémacistes blancs. Roman qui, entre autres, a influencé les auteurs de l’attentat d’Oklaoma City et même la prise du Capitole. Kurzel en tout cas, et ce depuis ses débuts, continue d’explorer la violence profondément (banalement) humaine avec force et un style à l’os, superbement épaulé ici par un Jude Law que l’on redécouvre presque. Un Jude Law qu’on n’avait plus vraiment vu aussi bon depuis plusieurs années (certes, il y a eu quelques films réussis comme Le jeu de la reine et The nest, mais pour combien de films moyens, voire mauvais ?), et à côté duquel Nicholas Hoult brille dans l’incarnation tranquillement inquiétante de Matthews, leader illuminé dont les convictions l’amèneront à accepter la mort plutôt qu’à se rendre.
Justin Kurzel sur SEUIL CRITIQUE(S) : Les crimes de Snowtown, Macbeth, Le gang Kelly, Nitram.