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Mickey 17

Jusque-là, même en réalisant des œuvres qu’on appellera "mineures" (Le transperceneige et Okja), on arrivait toujours à pardonner à Bong Joon-ho de s’être quelque peu fourvoyé. On y trouvait son compte. On s’en contentait. Cette fois avec Mickey 17, ça va être dur. Ça va pas être possible. Pas possible de pardonner. De s’en satisfaire. De faire l’impasse sur les trop nombreux défauts du film. Pourtant tout semblait aller de soi et promettait une œuvre réussie, voire génialement géniale : une histoire intrigante de clones recyclables/remplaçables et de dérives colonialistes (adaptée d’un roman d’Edward Ashton), un casting impeccable, le regard forcément décalé de Bong Joon-ho et, cerise sur le gâteau, la photographie du grand Darius Khondji.

L’écueil principal ? Le truc qui salope tout ? Le scénario. Scénario à la fois surchargé de sous-intrigues (en plus d’une voix off tout à fait inutile) qui le transforment en machin mastoc et fastidieux pour lequel il est difficile de s’intéresser, et plombé par une volonté de faire acte à tout prix de satire visant clairement (grossièrement) la politique de Trump. Le film aurait eu un coup d’avance en déboulant sur les écrans dès 2023 (le tournage s’est achevé fin 2022, mais la date de sortie a été plusieurs fois repoussée par la Warner), quand Trump et Musk étaient encore en embuscade. Mais sortir le film aujourd’hui, avec ce qui se passe aux États-Unis, donne à la satire un côté presque déjà périmé.

OK, un rien visionnaire si on prend en compte le fait que Bong Joon-ho a écrit son scénario bien avant l’investiture Trump, mais étrangement daté au vu de ce qui, en à peine quatre mois de chaos Trump/Musk/Vance, est en train de bousculer l’Amérique (et le monde). Pourtant Bong Joon-ho a toujours su, et ce dès Memories of murder, jongler avec les genres au sein d’un même film et se jouer de scénarios aux multiples à-côtés narratifs. Mais rien ne fonctionne ici. C’est la-bo-rieux. Tout ce qui était censé être drôle tombe à plat, le comique du film s’appuyant presque exclusivement, grosse erreur, sur les gesticulations et l’excessivité permanentes des acteurs (on va y revenir).

Toutes les situations et tous les personnages sont trop souvent mal exploités, poussifs même quand Bong Joon-ho croit bon d’en rajouter une couche dans le manichéen (ah, ces casquettes rouges en mode MAGA…). Et dans quelle mesure les pontes de la Warner sont-ils responsables de ce fiasco à force de reports, d’obligations de réécriture et de remontage ? On ne saura pas. Et puis le jeu constamment outré de Mark Ruffalo (mais il en va aussi, dans une moindre mesure certes, pour Robert Pattinson et Toni Collette), dans la peau de Kenneth Marshall, grand manitou autocratique avide de pouvoir et de conquête (toute ressemblance, blablabla…), n’aide vraiment pas à rentrer dans le film, à le prendre au sérieux, si tant est qu’il le veuille puisqu’il se veut, se pense, se déploie d’abord comme une sorte de farce s’amusant à brocarder la folie de notre monde. Du reste, ce n’est même plus des caisses qu’il en fait, Ruffalo, c’est des porte-conteneurs.

Les thèmes, passionnants s’il en est, de l’exploitation du corps poussée à son paroxysme capitaliste, sisyphien si l’on veut (jetable, consommable, réimprimable), la pleine conscience d’une finitude sans cesse renouvelée, l’accaparement des ressources d’un monde à conquérir, tout cela est comme balayé d’un revers de la main, traité sans profondeur ni réel intérêt pour les questions qu’ils soulèvent, pour la complexité qu’ils sous-tendent (sur à peu près les mêmes thèmes, on verra et reverra et reverra encore Blade runner, évidemment). On a l’impression que Bong Joon-ho a voulu faire son Starship troopers, cherchant à mêler, comme son illustre modèle, la grosse déconnade SF à la critique d’un régime cachant mal son despotisme sous des valeurs de patriotisme dévoyé (être ou ne pas être de la chair à canon, telle est la question), le tout parsemé de personnages abrutis en apparence, mais dégourdis dans le fond (une constance d’ailleurs chez le réalisateur coréen). La comparaison est forcément terrible pour Mickey 17, en réalité nanar indigeste qui, lui aussi, paraît avoir été cloné sur le pire du tout-venant mainstream.


Bong Joon-ho sur SEUIL CRITIQUE(S) : The host, Mother, Le transperceneige, Okja, Parasite.

Mickey 17
Tag(s) : #Films

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