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The apprentice

Qu’on donc en commun Patrick Bateman et Volodymyr Zelensky ? Oui, c’est lui, nul autre que lui : Donald Trump. Icône absolue chez l’un, bouffon devenu roi chez l’autre et qu’il faut pouvoir brosser dans le sens du poil (ou plutôt de ses étranges cheveux). Il est intéressant de se décider à regarder The apprentice (pas spécialement motivé à sa sortie) au vu de ce qui s’est passé ce vendredi 28 février 2025 où Trump et Vance ont vociféré, à la fin de leur rencontre (visible en intégralité ici), sur Zelensky dans un grand (et pitoyable) moment de diplomatie américaine. De voir et de comprendre comment le personnage Trump s’est construit, érigé même (la Trump tower, symbole saillant de sa réussite), s’est et se met constamment en scène ("This is going to be great television"). Et pour ça, il faut retourner au milieu des années 70 quand Trump n’était alors que l’ombre d’un père autoritaire et blessant, quand Trump n’avait alors ni charisme ni faconde. Jusqu’à ce qu’il rencontre le célèbre avocat Roy Cohn, talentueux et sans pitié, qui deviendra son mentor.

The apprentice n’est évidemment pas une biographie officielle sur les débuts de businessman de Trump dans l’effervescence des années 70 et 80 (parfaitement restituées, et parfois on s’y croirait), mais bien une satire sur une mécanique du pouvoir fondée sur la force et la contrainte, la menace et la soif de l’argent. Soit "the art of the deal", pour reprendre le titre du livre écrit par Tony Schwartz, poussé dans ses retranchements les moins glorieux et les plus brutaux. Cohn va ainsi "éduquer" Trump sur la base de trois règles, primordiales, pour réussir dans les affaires (qu’elles soient immobilières, financières, juridiques…) sans s’embarrasser des lois ni des autres : attaquer, rejeter la réalité et ne pas reconnaître sa défaite. Soit ce qui semble être (ce qui est ?) devenu aujourd’hui le parfait mantra de Trump et de sa meute.

Ali Abbasi filme l’irrésistible ascension de Trump en filmant d’abord une histoire de transmission, de décalque, et à la fin quasi de vampirisation (Cohn, alors malade du Sida, apparaît pâle, vidé de son sang et de sa substance). La dynamique Cohn/Trump, dans la première moitié du film, est ce qui est le plus réussi (et souvent drôle, merci Jeremy Strong, génial dans la peau de Cohn) dans The apprentice. Le duo fonctionne comme une sorte d’entité infernale, à la fois contraire et complémentaire, vouée uniquement à la destruction de toute valeur un tant soit peu morale et humaniste. La deuxième moitié, concentrée, elle, sur la réussite de Trump et sa relation avec Ivana (et son éloignement progressif de Cohn, la créature s’affranchissant de son maître), donne davantage l’impression de vite tourner en rond, comme si le scénario (écrit par le journaliste Gabriel Sherman), une fois Trump parvenu au firmament des affaires, ne se souciait plus vraiment de lui ou ne savait plus quoi dire de pertinent et/ou d’intéressant.

Ou peut-être parce qu’il n’y a plus rien à dire, justement. Peut-être parce qu’il n’y a plus rien à montrer de Trump une fois au sommet, simple caricature de lui-même fonctionnant en circuit fermé, tout le reste, et tout ce qui va suivre aussi, étant déjà assimilé, digéré et recraché par un personnage bigger than reality (et que Sebastian Stan incarne avec une grande justesse, sans jamais forcer). Abbasi le montre, à la fin, reprendre à son compte les trois préceptes de Cohn et se persuader qu’il a du talent avec un œil sur New York où flotte un drapeau américain. Le Trump d’aujourd’hui est là, sûr de lui : "C’est vrai si je dis que ça l’est". Dont acte.


Ali Abbasi sur SEUIL CRITIQUE(S) : Les nuits de Mashhad.

The apprentice
Tag(s) : #Films, #Cannes 2024

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