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God's creatures

Emily Watson et Paul Mescal réunis devant la caméra, en mère et fils fusionnels ; la réalisatrice et la monteuse du prometteur The fits (de 2015 quand même) au scénario et à la mise en scène ; Danny Bensi et Saunder Jurriaans à la musique (toujours aussi inspirés, et décidément incontournables) ; un drame psychologique dans un petit village de pêche perdu dans l’immensité sauvage de l’Irlande. Évidemment que ça donnait envie ; oui on voulait voir ça. Ignoré par les distributeurs français malgré sa présence à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2022, le film n’aura droit qu’à une sortie confidentielle en VOD un an plus tard. Trop rugueux sans doute. Trop pas vendeur. Et trop bancal aussi, dommage.

Pourtant ce récit du retour d’un fils auprès des siens après des années d’absence (pour des raisons qui resteront ignorées, mais qu’éventuellement on pourra subodorer au fur et à mesure des évènements), et ce que cela entraînera comme tensions et tragédies, avait de quoi séduire. Surtout qu’il offrait, en filigrane, la description d’une communauté refermée sur elle-même, minée par les vieux réflexes patriarcaux faisant peu cas des considérations (et du respect) des femmes (finalement le vrai sujet du film). Anna Rose Holmer et Saela Davis savent installer une atmosphère, dépeindre des liens familiaux figés, tendus, en seulement quelques scènes. Prennent le temps de filmer la beauté de la nature irlandaise livrée à la rudesse des éléments.

C’est dans ces décors splendides et cette ambiance lourde que va se jouer et se nouer l’amour et le désamour d’une mère face aux réalités du déni, de la honte, du silence. De la violence des hommes qu’elle connaissait, qu’elle savait, et n’avait que faire dans un sens, comme si cela allait de soi (scène glaçante où son beau-père, gâteux, la frappe soudainement), mais soudain lui explosant à la figure quand son fils s’y abandonnera à son tour. Mais, et c’est là le principal écueil du film, le changement de comportement d’Aileen vis-à-vis de celui-ci (et de ses actes, qu’on ne révélera pas) interviendra assez grossièrement, et il suffira pour ça de deux scènes, aux enjeux expédiés, pour que le tour soit joué.

On n’y croit pas. C’est bien facile. C’est bien commode cette mère-louve prête à tout pour son fils adoré (et jusqu’à se parjurer face aux autorités) mais qui, en peu de jours, se transforme en femme avisée prête à sacrifier le fruit (pourri, le comprendra-t-elle) de ses entrailles pour la bonne cause… Et puis jamais le film ne surprend, ne sait cultiver sa singularité (il y avait pourtant matière à), ne nous happe émotionnellement malgré cette histoire forte d’une mère et d’un fils aux liens troubles et d’une prise de conscience tardive. Et malgré aussi l’immense talent de Watson qui sait parfois, d’un seul regard, exprimer adoration ou détresse.

God's creatures
Tag(s) : #Films, #Cannes 2022

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