Évidemment, et c’était couru d’avance pour qui aura vu la bande-annonce, le film vaut surtout (uniquement) pour Karin Viard, géniale en grande bourgeoise prête à tout pour sauver son mariage et le paraître d’une vie idéale. Si on aime, voire idolâtre, l’actrice, c’est bien sûr du petit lait qui permet de passer outre la banalité du scénario et de la mise en scène. Parce que Les apparences, c’est ça, c’est d’abord un show Viard. Viard qui roucoule, Viard qui doute, Viard qui boit, Viard qui manigance, Viard qui pique une crise. Il n’y en a que pour elle, de presque tous les plans, aussi impériale en petite tenue qu’en épouse blessée (mais bien décidée à ne pas se laisser faire).
Ce drame bourgeois librement adapté d’un roman de Karin Alvtegen, et partant d’une base on ne peut plus classique (monsieur trompe madame, madame pourrit la vie de la maîtresse de monsieur, madame s’enivre dans les bras d’un autre pas net), avait tout pour devenir un thriller psychologique pervers (ou une farce amorale) sachant dépasser son statut de départ. On rêvait, pourquoi pas, à du De Palma ou Verhoeven feutré, on espérait du Chabrol revisité (dont la filiation, certes évidente mais rarement concluante à l’écran, a été martelée à peu près partout). Sauf que Marc Fitoussi n’en tire qu’un (télé)film passe-partout expurgé du moindre vertige et de la moindre ambiguïté, mais certainement pas de maladresses et d’incohérences (par exemple pouvoir accéder aux SMS et mails d’un portable verrouillé ou ne pas changer son mot de passe alors que son compte mail a visiblement été piraté).
Et si Viard et Pascale Arbillot s’en sortent avec les honneurs, il n’en est rien côté messieurs : Benjamin Biolay s’emmerde (ou se demande ce qu’il fait là) et Lucas Englander n’apporte ni charisme ni trouble à son personnage d’amant éconduit. À l’image de ce cercle d’expatriés français à Vienne vivant en vase clos, tout ici est policé, ennuyeux et terne. Fitoussi a en plus la prétention de vouloir mélanger les genres sans jamais parvenir à les lier entre eux : satire sociale, marivaudage cruel, film noir, tragédie intimiste, suspens adultère à la , rien ne s’agrège, rien ne prend forme, sinon une œuvre décevante, rarement subtile, sur les frasques et faux-semblants d’une bourgeoisie confite dans ses certitudes et son obsession des apparences.