La genèse d’abord, terrible, et c’était en 2009, en Bolivie, au sein d’une colonie mennonite ou, pendant quatre ans, des femmes de tous âges furent droguées et violées durant leur sommeil par plusieurs hommes. Celles-ci se réveillaient le matin avec le corps parfois couvert de bleus et les draps maculés de sang, mais alors on imputait cela au fait d’un démon abusant d’elles, ou bien qu’elles étaient folles, ou bien sorcières. Huit hommes furent finalement mis en cause, livrés à la police puis jugés. En 2018, la romancière Miriam Toews s’inspire de ces événements pour écrire Women talking, qui commence après les viols et l’emprisonnement des huit coupables.
Et tandis que les hommes de la communauté (ici quelque part aux États-Unis) quittent le village pour tenter de les faire sortir de prison en payant une caution, les femmes se regroupent pour débattre de leur avenir : rester et ne rien faire (et si possible pardonner), rester et se battre, ou bien partir ? Mais partir où, et pour quels lendemains, et pour quelle existence, bannies à jamais de la communauté et refusées au royaume des Cieux ? Voilà le dilemme auquel sont confrontées ces femmes, regroupées dans une grange et échangeant leurs points de vue sur la décision à prendre. Les hommes resteront hors cadre, quelques silhouettes, des ombres, si ce n’est ce jeune instituteur venu consigner par écrit leur parole.
Une parole qui, d’ordinaire, leur est refusée. Comme le reste d’ailleurs, et ce dès leur plus jeune âge en les privant de toute éducation (contrairement aux garçons, elles n’ont pas le droit d’aller à l’école). Leur vie, c’est une vie dédiée seulement à Dieu et aux traditions, à leur mari et à leurs enfants. Une vie sans savoir lire ni écrire, sans joie ni liberté. Ce pourrait être une histoire située n’importe quand, n’importe où, en Afghanistan par exemple (voir le terrible documentaire Afghanes de Solène Chalvon-Fioriti qui, sur de nombreux points, entre en résonance avec ce Women talking), tant s’inscrit en elle la condition féminine d'hier et celle d’aujourd’hui encore, très largement, assujettie à un patriarcat dominant (et violent), à un fondamentalisme religieux sûr de ses propres interprétations des Écritures.
Sarah Polley fait de cette simple grange, située là au milieu de la campagne américaine, l’épicentre du monde où paraît soudain se jouer, se décider le sort de toutes les femmes. Si le propos se révèle évidemment captivant, en plus d’être on ne peut plus actuel, il manque au film un réel éclat, un souffle, un soupçon d’audace aussi. Le tout est comme engoncé dans un formalisme un peu raide, un peu didactique, voire maladroit (les scènes "champêtres" avec enfants jouant dans les champs et courant dans la lumière irisée du soleil). On voudrait faire fi bien sûr, et parce qu’un film comme ça a sa pertinence, et qu’il sait, parfois, nous toucher en plein cœur, et que les actrices y sont formidables, mais globalement on n’y arrive pas, et globalement on reste comme détaché de ce qui s’y passe et de ce qui pourra bien s’y passer.