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Passages

C’est une histoire de triangle amoureux qui donnait envie, on pourra même dire de carré à plusieurs reprises, mais c’est assez fugace. C’est un objet de désirs qui s’entremêlent, qui s’entrechoquent, et qui donnait envie aussi. Et puis voir Franz Rogowski, Ben Whishaw et Adèle Exarchopoulos réunis à l’écran, les voir s’aimer, se fuir et s’étreindre, ça, ça donnait vachement envie. Au bout de quinze minutes de film à peu près, rapidement donc, l’envie, ces envies-là précisément, sont atomisées, elles sont pulvérisées en beauté sans qu’il ne reste grand-chose pour tenir après, pendant plus d’une heure. On pense alors à un sabotage. C’est ça : Ira Sachs a saboté son film.

Le scénario, la mise en scène, les intentions, les interprétations, rien ne fait plus envie. Sachs avait la matière, il avait de l’or dans les mains, mais pour en faire quoi à la fin ? Un film irritant, une œuvre molle, et jamais loin d’être détestable en vérité. De ces allers-retours sentimentaux (et physiques) d’un homme qui, constamment, hésite entre son mari et une jeune femme rencontrée à une soirée, quitte à les faire souffrir dans des élans toujours plus prononcés d’égoïsme et de narcissisme, Sachs n’en tire qu’un long récit schématique sans chair (qui est triste, et malgré de nombreuses scènes de sexe) et sans passion où tout le monde trimballe un malheur existentiel plus risible et pathétique qu’éventuellement touchant.

À tel point d’ailleurs qu’on en vient à les rejeter en bloc, ces trois-là, à ne jamais s’attacher à eux et à se désintéresser de leurs bisbilles affectives, et parce que Sachs se montre incapable d’insuffler une richesse d’écriture dans les dialogues, les situations (plusieurs scènes arrivent même à être gênantes, par exemple Exarchopoulos qui pousse la chansonnette ou un repas de famille caricatural) et la caractérisation de chaque personnage, le principal n’étant qu’un connard fini irrécupérable, quand les deux autres ne sont que de simples faire-valoir à sa scélératesse congénitale, passant leur temps à encaisser et à chialer. La mise en scène suit le même mouvement, insignifiante, peu inspirée, et les acteurs, et alors qu’on pensait, qu’on espérait qu’ils empêcheraient le film de virer au fiasco total, donnent trop souvent l’impression de jouer n’importe quelle scène, ici une engueulade, ici un silence, ici une discussion banale, sur un ton absolument identique, une même émotion : raide et fade. Voilà. Et pour rappel, Passages, ça rime donc avec sabotage. Et puis avec ratage.
 

Ira Sachs sur SEUIL CRITIQUE(S) : Keep the lights on.

Passages
Tag(s) : #Films

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