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Salon Kitty

À partir du milieu des années 70, le genre nazisploitation, genre bis par excellence (dont Ilsa, la louve des SS serait le film le plus emblématique), eut sa petite heure de gloire auprès de producteurs alors peu soucieux de délicatesse et d’un minimum de bon goût. Mêlant érotisme, voire pornographie, sadisme et ambiance Troisième Reich (avec parfois deux ou trois touches de gore, histoire de pimenter l’affaire), la nazisploitation fut d’abord l’occasion de montrer des femmes, nues le plus souvent, soumises à diverses tortures et autres dégradations à même de rendre chèvre la moins impliquée des féministes. C’est de ce terreau peu recommandable qu’allait éclore Salon Kitty.

Mais pas question cette fois-ci de faire dans le crapoteux. Il faut élever le niveau, transcender le genre si possible. On débaucha pour l’occasion Helmut Berger, alors muse de Visconti, et Ingrid Thulin, l’une des actrices fétiches de Bergman, dans des rôles vaguement similaires à ceux qu’ils tenaient alors, sept ans plus tôt, dans Les damnés. Et on demanda à Ken Adam, célèbre décorateur sur les James Bond (il en fera sept, de Dr No à Moonraker) et chez Kubrick (le tournage éprouvant de Barry Lyndon le laissera d’ailleurs exsangue et déprimé), de faire revivre les bordels du Berlin des années 40. L’intrigue s’inspire de la véritable histoire du Salon Kitty, célèbre lupanar berlinois qui fut utilisé par les nazis comme lieu d’espionnage et de contre-espionnage en se servant de prostituées comme informatrices.

Évidemment, avec Tinto Brass derrière la caméra, ce récit va prendre la forme d’une œuvre outrancière faite de sexe et de violences (sorte de jonction bâtarde, si on veut, entre Cabaret, Portier de nuit et Salò ou les 120 journées de Sodome) s’ingéniant à décrire (et surtout à montrer) le nazisme comme un abîme sans fond de décadence morale et de névroses sexuelles, d’opportunismes et de désillusions politiques. La première demi-heure décrit ainsi l’enrôlement et "l’entraînement" de patriotes zélées prêtes à (se) donner corps et âme pour la bonne cause. Cette description inclut un grand nombre de scènes de nudité (féminine comme masculine) décrivant par le détail glorification du corps nazi à la Leni Riefenstahl, orgies et expériences un rien sadiques visant à tester la résistance physique et psychologique des jeunes recrues (ce sont principalement ces scènes-là qui firent scandale), tout cela sous le regard concupiscent de quelques gradés émoustillés.

La suite va un tantinet "s’assagir" sans que Brass, à coups de zooms systématiques et de reflets dans les miroirs, ne se départisse totalement de cet érotisme décomplexé (la maison close étant l’alibi parfait pour la chose) qui allait devenir sa "marque de fabrique" (La clef, Miranda, Paprika…). Et le récit de dévier vers différents arcs narratifs au contenu plus classique (jeux de pouvoir, romance interdite et labyrinthe des passions) entrecoupés de numéros de music-hall dans lesquels Thulin s’amuse comme une folle (quand Berger, lui, livre une interprétation exaltée et glaçante). Le succès public du film, dû sans doute à l’aura sulfureuse dont il sut bénéficier (quand la critique, elle, se montra franchement dubitative), permettra à Brass d’être engagé sur la mégaproduction historique (et pornographique) de Bob Guccione, Caligula, dont le tournage s’avèrera être un pur cauchemar.
 

Tinto Brass sur SEUIL CRITIQUE(S) : Caligula.

Salon Kitty

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