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Dirt

C’est comme si Gale Weathers, la journaliste arriviste de Scream, avait bien grandi, pris plus d’assurance, plus d’expérience, et s’était finalement métamorphosée en Lucy Spiller, l’implacable rédactrice en chef du tabloïd Dirt Now, l’Anna Wintour du trash, la Pauline Kael du scandale et de la vérité au détriment de tout (et de tous). Vouée entièrement à son magazine, acharnée à la découverte de la vérité et à l’immédiateté du scoop, Lucy (Courtney Cox, impeccable, mordante) s’aveugle sur le sens de sa vie en privilégiant celles de personnalités insignifiantes ; car à Hollywood, capitale de la frime et du paraître, s’intéresser à quelques acteurs médiocres et autres starlettes anorexiques passe forcément par la connaissance de leurs travers et de leurs frasques, et si possible en les tournant à leur désavantage.

Le constat n’a rien de nouveau, il est partout le même, et Dirt en fait état à sa manière (sans réelle originalité) : c’est la vaine consécration de la culture poubelle, du futile et du clinquant. L’Amérique tout entière (et le monde en général) veut savoir qui a de la cellulite, qui se plante, qui divorce, qui sort avec qui, se sentant davantage concernée par le vide des apparences que par des préoccupations censément humanistes (pauvreté, famine, guerres) ; le people, nouvel opium du peuple ? Cette ferveur, cette obsession malsaine du public pour la célébrité permet à Lucy d’asseoir son autorité sur un petit monde en toc (bien rendu par les couleurs criardes, les lumières artificielles et les décors surchargés ou vulgaires), sans que celle-ci ne se rende réellement compte de la vacuité de sa propre existence (mésentente avec sa mère, trahison de son frère, échec de sa vie amoureuse).

Son seul lien tangible avec une réalité plus authentique est celui qu’elle entretient avec Don Konkey, paparazzi réputé et schizophrène (personnage intéressant, mais traité de façon trop superficielle), âme damnée de Lucy prête à tous les sacrifices pour obtenir une photo qui en vaille la peine (lavage d’estomac, doigt coupé, non-assistance à personne en danger). Ces deux-là se complètent, s’épaulent et s’aiment à leur façon dans un monde fait de tricheries, de mensonges et de vacuités. Drôle, sombre et frivole à la fois, Dirt condamne gentiment une société cynique avide de figures publiques à salir, à vilipender et, en définitive, à jalouser, notre fascination pour les célébrités, leur vie privée et leurs excès, provenant de ce désir inavoué de les savoir plus mal en point que nous.

Dirt
Tag(s) : #Séries

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