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Room 237

Rappelez-vous : un générique angoissant (et culte), des jumelles massacrées dans un couloir, un ascenseur déversant des litres et des litres de sang, la chambre 237 et sa femme nue dans la baignoire, Wendy découvrant des dizaines et des dizaines de pages identiques tapées à la machine, Jack Nicholson détruisant une porte à coups de hache et Shelley Duvall qui hurle à la mort, les yeux exorbités par l’effroi… Rappelez-vous, c’était Shining, c’était en 1980, nous étions jeunes et nous étions beaux. Classique du classique de la terreur, le film de Stanley Kubrick suscita, sur le tard, nombre de conjectures et d’interrogations qui, aujourd’hui encore, conservent leur part de mystère. Le documentaire de Rodney Ascher revient sur ce chef-d’œuvre inusable et laisse la parole à cinq mordus du film rencontrés à travers le monde.

Un journaliste, un historien et trois auteurs (de théâtre, de musique, de cinéma…) exposent chacun différentes théories établies au fil des années et de visions sans cesse renouvelées. Quels incroyables et nouveaux secrets pourrait donc renfermer Shining ? Si les idées et les thèses avancées sont, pour la plupart, pas mal fumeuses, voire pas mal débiles (la moustache de Hitler, l’érection avec le porte-papier, le Minotaure sur l’affiche, le visage de Kubrick dans les nuages lors du générique…), cette relecture maniaco-bornée reste plus ou moins intéressante par son côté jusqu’au-boutiste et sa croyance inébranlable dans des arguments parfois irrecevables.

Certaines explications tiennent davantage de la masturbation intellectuelle de fans acharnés quand d’autres sont un poil exagérées, mais plausibles : Kubrick, démiurge insatiable, parlerait de l’Holocauste (sujet auquel il voulu se confronter avec son Aryan papers avorté), ou même du massacre des Indiens, ou ferait son mea culpa parce qu’il participa (mais personne n’en est vraiment sûr) à la réalisation du faux alunissage d’Apollo 11. Qu’importe les faits : dans son ensemble, Room 237 développe un peu trop d’hypothèses qui ont du mal à être prises au sérieux. On aurait préféré une analyse plus rigoureuse, plus tenue, plus fouillée, une analyse capable de porter l’énigme Shining au-delà du simple bavardage de salon (voir l’entretien d’un des participants avec son bébé qui se met soudain à brailler en arrière-fond sonore et qui s’excuse parce qu’il doit aller s’en occuper : bonjour la crédibilité).

D’autres en revanche passionnent carrément : projection du film en avant et en arrière en superposant les deux pellicules pour donner des images étranges et inquiétantes, révélant ainsi de troublantes correspondances entre les plans, tentative d’élaborer un schéma précis de l’hôtel Overlook pour s’apercevoir qu’il y a des trucs qui clochent, des trucs pas possibles dans son architecture labyrinthique… Il y a aussi des faux raccords (oui, même Kubrick faisait de faux raccords) qui laissent perplexe : inattention technique ou intention volontaire du réalisateur de signifier quelque chose, de vouloir perturber la compréhension du spectateur ? Roublard et effarant, ce documentaire aux allures de production fauchée à au moins le mérite, à défaut de convaincre totalement, de nous replonger dans l’œuvre monumentale d’un des metteurs en scène les plus géniaux de l’histoire du cinéma.


Stanley Kubrick sur SEUIL CRITIQUE(S) : 2001 : L'odyssée de l'epace, Orange mécanique.

Room 237
Tag(s) : #Documentaires, #Cannes 2012

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