Une châtaigne dans la jungle, ou plutôt Marc Châtaigne en Guyane, ou plutôt un stagiaire du Ministère de la norme envoyé dans la cambrousse pour chapeauter et valider le projet d’un complexe de pistes de neige en milieu (très) hostile et (très très) humide. Donc Châtaigne prend l’avion, rencontre l’adorable Tarzan et se perd avec elle dans une nature luxuriante pleine d’insectes bizarres et de serpents albinos, d’huissiers de justice et de dangers dangereux. Antonin Peretjatko, fidèle à sa fantaisie inventive déjà à l’œuvre dans le pétillant La fille du 14 juillet, récidive dans le rigolo barrée qui n’en fait qu’à sa tête, sur fond de folie douce et de musique empruntée à Goldorak (oui madame, Gol-do-rak !).
À travers foison et foison (et foison) de gags (et de gags), plusieurs pas toujours réussis, certains un peu forcés, d’autres assez drôles et d’autres vraiment drôles, Peretjatko, entre deux cuillerées de slapstick et trois verres de non-sens, devise sur l’absurdité du monde qui sans cesse se dérègle, tout emberlificoté de bureaucratie lourdingue, de capitalisme détraqué et d’existentialisme naïf (mais vrai). Et puis d’amour aussi, fragile et beau, naissant parmi les gentilles petites chenilles et ces saloperies de bordel de merde de grosses mygales parce que "dans les périodes où tu sens l’envie de tomber amoureux, tu dois faire attention où tu mets les pieds" (c’est pas moi qui le dit, c’est Umberto Eco).
Mais bon, Peretjatko a visiblement les globes oculaires plus gros que la panse, et son joyeux bordel finit par se mordre la queue d’un trop de désinvolture et de rocambolesque. Le comique ça se travaille, ça se cisèle, c’est limite de l’orfèvrerie, et celui de Peretjatko qui, parfois, n’est pas loin de rappeler celui de ZAZ (Zucker, Abrahams et Zucker, les fameux producteurs/réalisateurs de la franchise des Y a-t-il) bizarrement accouplé à celui de Tati, accuse quelques coups de mou dans son délire. Mais après tout qu’importe. Qu'importe : ça fait tellement du bien de rire d’une comédie (française) qui ne soit ni formatée ni indigeste ni parasitée par des "humoristes" ringards, des bouffons de la télé ou des youtubers miteux.