Si vous en doutiez encore, la natation synchronisée masculine existe bel et bien, mais souffre d’un monopole (forcé) exclusivement féminin et des inévitables clichés (et rejets) qui vont avec. C’est ce sport, déjà évoqué dans Allt flyter ou Swimming with men, que Gilles Lellouche a choisi comme toile de fond pour son Grand bain aux allures de Full monty aquatique où la natation synchronisée aurait remplacé le striptease. Et puis il n’est plus question ici de chômage et de morosité économique, mais de dépression, d’alcoolisme et de vie ratée, de femmes et d’hommes touchant le fond. Quant à Donna Summer et Tom Jones, ils ont laissé place à Imagination, Phil Collins et Philip Bailey. Mais il y a toujours cette bande de mecs mal dégrossis qui décident, pour pallier un soudain vide existentiel, de se lancer dans une discipline pas vraiment faite pour eux.
Touchant et sympathique, Le grand bain louche clairement vers la comédie française un chouïa plus exigeante (celle des Klapisch, Salvadori, Nakache / Toledano ou Bacri / Jaoui) que ce que la majorité de la production française charrie au kilomètre (les merdes de Kev Adams, Philippe Lacheau, Danny Boon, Olivier Baroux et consorts). Certes, le film ne brille ni par son originalité ni par son audace scénaristique, mais il y a une telle envie de bien faire et de divertir avec un minimum d’intelligence qu’il finit par nous convaincre et nous emballer. Bides, muscles en berne et poil dans le dos, Lellouche s’amuse de ces corps anti-glamour lâchés dans une compétition où grâce et beauté sont vivement recommandées.
Lellouche gère assez bien la multitude de protagonistes en dépit d’une exposition trop longue (presque une heure) et de certains personnages très partiellement écrits, voire laissés de côté. Et s’il est parvenu à réunir un casting quatre étoiles, varié et alléchant, il en tire finalement peu d’avantages, chacun un rien attendu dans un rôle qu’il connaît par cœur, où il surprendra à peine (Poelvoorde en patron roublard et grande gueule, Amalric en fumeur dépressif, Anglade en vieux rocker, Katerine en doux-dingue lunaire…). Il aurait été plus intéressant de redistribuer les rôles et d’offrir ainsi de véritables contre-emplois, par exemple Poelvoorde dans le rôle d’Amalric (et inversement), Anglade dans celui de Canet ou Canet dans celui de Katerine. Alors oui, on pourra ergoter, chipoter pour la forme, mais Le grand bain, loin de tout cynisme et humour vaseux, a plutôt fière allure dans son speedo.