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Les confins du monde

Après le désert (Valley of love) et la forêt (The end), voici la jungle, nouvelle terre d'accueil pour Guillaume Nicloux qui clôt, avec Les confins du monde, une trilogie sur l’errance intérieure. Cette fois nous sommes en 1945, au Vietnam pendant les prémisses de la guerre d’Indochine. Robert Tassen échappe à la mort, mais ne peut empêcher celle de son frère, exécuté avec sa femme dans de terribles circonstances. Fou de vengeance, Robert s’entête à retrouver et à tuer celui qu’il tient pour responsable et complice de cette mort, le lieutenant Vo Binh. Une longue quête commence alors, très physique (humidité, chaleur, boue, sangsue, serpent, cadavres mutilés…) et en même temps en prise avec l’inconscient.

Comme dans Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad (auquel on pense beaucoup, sans pouvoir s’en empêcher), il y a une figure tutélaire, menaçante et insaisissable (le colonel Kurtz, le lieutenant Vo Binh), à aller anéantir au fin fond d’un territoire dangereux, retranché, et presque mental, où n’existe plus de règles, où ne subsiste que la folie d’un homme faisant écho à celle des autres. À celle de Robert. Tel un spectre ou un mort-vivant (les premières images du film le montrent seul sur un banc, absent de l’agitation autour de lui, ou s’échappant d’un charnier), celui-ci s’oublie aussi bien dans les vapeurs d’opium que dans l’obsession d’une vendetta personnelle dépassant ordres, conflits et Histoire en cours. Et que l’amour même ne saurait contrarier. Et qui résonne comme une échappatoire aux horreurs de la guerre, ou un but précis, essentiel, mais illusoire dans sa réussite, ou peut-être l’accomplissement d’un deuil qui ne dit pas son nom.

Si la trame du scénario semble assez linéaire, parasité à peine par le personnage de Gérard Depardieu en écrivain mystérieux apparaissant et disparaissant telle une émanation de l’esprit, tout est bizarrement confus, mal agencé, pas fini. Nicloux paraît ne pas savoir où aller, tente des choses, en rate d’autres, tergiverse entre le film de guerre, le drame historique, l’idylle impossible, l’épopée mystique et gore, le délire organique à la masculinité prononcée. Et de cet étrange mélange, en soi pas complètement indigeste, simplement ennuyeux, ne surgit qu’à de rares occasions un vrai sentiment de cauchemar putride et de chaos intime.
 

Guillaume Nicloux sur SEUIL CRITIQUE(S) : Holiday, Valley of love.

Les confins du monde
Tag(s) : #Films, #Cannes 2018

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