C’est l’histoire d’un petit garçon de dix ans pendant la Seconde Guerre mondiale, quelque part en Allemagne, nazillon dans l’âme et Hitler en ami imaginaire et qui, en bon nationaliste de son temps pleins d’idéaux ardents et guerriers (ah, qu’est-ce qu’on s’amuse au camp d’été des Jeunesses hitlériennes…), veut protéger son pays, aime les autodafés, rêve de rencontrer le Führer et hais les Juifs qui, bien évidemment, ont des cornes, des écailles à la place de la peau et savent lire dans les pensées. Alors quand Jojo découvre une jeune fille juive cachée, par sa propre mère qu’il ne sait pas résistante, derrière un mur de la chambre de sa sœur défunte, c’est son patriotisme exalté qui en prend un coup. Mais cette rencontre impromptue avec Elsa va surtout opposer Jojo au ridicule de ses préjugés.
Loin de la noirceur et de la tension psychologique du livre de Christine Leunens (Le ciel en cage) qu’il a librement adapté, Taika Waititi opte pour une sorte de feel-good movie à hauteur d’enfants (qui n’éludera pas, quand il le faut, la dureté de certaines situations) avec, esthétiquement, un petit côté vintage rococo à la Jean-Pierre Jeunet et à la Wes Anderson. Un parti-pris comme un autre que l’on aimera, selon l’humeur et les goûts, un peu, beaucoup ou pas du tout. Et si Waititi se montre habile à faire cohabiter les tonalités, mariant l’humour (la scène des Heil Hitler, hilarante) à la gravité, la dérision à l’émotion, son film reste finalement très consensuel, sans véritables prises de risques (c’est que la Fox et Disney veillent au grain).
De fait, la rencontre entre Jojo et Elsa, pourtant point névralgique du film puisqu’elle est censée confronter Jojo à ses convictions nazies qu’Elsa va ébranler puis déconstruire, souffre d’un traitement simpliste qui la prive de force dramatique (et même émotionnelle) et la réduit à un exposé "rigolo" sur les délires anti-juifs de l’époque. Et si prendre des risques pour montrer l’enfance face aux horreurs de la guerre et à l’irresponsabilité des adultes (bonjour Le tombeau des lucioles, mètre-étalon en la matière) se résume à "oser" balancer une bande-son rock (The Beatles, Tom Waits, David Bowie…) ostensiblement décalée ou filmer la violence des combats au ralenti sur fond de chœur d’enfants, c’est quand même pas mal décourageant.