Se lancer dans Egō, c’est comme ouvrir un recueil de contes pour enfants et en préférer un dans lequel il ne manquerait aucune figure établie, aucun code ni symbole. Tout y est, pratiquement : la mère qui est méchante, qui (s’)impose, incapable d’aimer sinon elle-même, la famille modèle (mais faussement idyllique), la belle demeure, la comptine entêtante, quelque chose de monstrueux qui (que l’on) couve, des motifs psychanalytiques et autres métaphores en pagaille, le tout à l’heure des réseaux sociaux et d’une injonction à la réussite, à un idéal nécessairement exhibé. D’ailleurs en termes de motifs et de métaphores, ici on est servi, ça pullule même : pulsions hostiles envers la mère, passage à l’âge adulte, instinct maternel, corps qui change, éveil sexuel, part sombre, jalousie morbide, mal-être existentiel, perte de l’innocence…
On frôle parfois le trop, à la limite le corpus encyclopédique. Comme si Hanna Bergholm et son scénariste Ilja Rausti n’avaient pas réussi à choisir, à faire un tri, cherchant là comme une sorte d’exhaustivité en la matière (le conte de fées horrifique) qui, finalement, vient nuire à l’appréciation du film. Tout, dans le récit de Tinja, jeune fille poussée par sa mère à la perfection et à l’esprit de compétition, qui une nuit découvre un œuf étrange dont elle décide de s’occuper (jusqu’à l’apparition d’une sinistre créature qui, peu à peu, va prendre la forme d’un double maléfique), reste prévisible (même le final, à la rigueur) parce que hyper balisé dans ses allégories et dans ses effets.
D’un sujet pourtant atypique, Egō a du mal à en proposer une lecture novatrice, qui saurait marquer, d’autant que Bergholm échoue, dans sa mise en scène, à s’affranchir de certaines conventions du genre (qui sursaute encore à des jump scares, surtout quand on les voit arriver à des kilomètres ?) dont elle aurait pu se passer pour, à la place, s’autoriser davantage de singularité (certes, par instants, Egō n’en manque pas). Malgré ses défauts, Egō bénéficie d’une belle direction artistique privilégiant une atmosphère étrange et comme ouatée, saturée de sourires forcés et de couleurs pastel. Bergholm filme un monde à part, retranché dans ses apparences ; une bulle de bonheur (vicié) prête à éclater dès lors que s’y manifestent difformités et dissonances dont Tinja sera le vecteur, revendiquant une affirmation de soi, et un besoin d’amour aussi, qui passeraient par l’incarnation de sa colère et de ses frustrations, puis par sa propre annihilation.