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Novembre

Quelques semaines après le Revoir Paris d’Alice Winocour, c’est au tour du Novembre de Cédric Jimenez de revenir sur les attentats du 13 novembre 2015. Changement de ton radical, évidemment : cette fois il ne s’agit pas d’explorer le trauma (et ses répercussions) des victimes, mais d’être "de l’autre côté". Du côté des enquêteurs de l’anti-terrorisme qui, pendant cinq jours, traquèrent les responsables et complices des attentats jusqu’à l’opération policière du 18 novembre à Saint-Denis. Ici donc, il n’y aura pas de psychologie, pas d’atermoiements ni de remises en question. Pas la place, pas le sujet, pas le temps. Mais du factuel. Du factuel au kilomètre.

Tellement d’ailleurs qu’on ne s’attache à aucun des protagonistes du film, réduits pour la plupart à des fonctions, à des ordres et des procédures, voire à des ombres. Le seul qui parviendra à intéresser, à s’incarner et à nous toucher, c’est celui de Samia (Lyna Khoudri, tout en détermination et douleurs), double fictionnel de Sonia, nom d’emprunt de cette femme qui permit de localiser la planque où s’étaient réfugiés Abaaoud et Akrouh, et d’éviter ainsi de nouveaux attentats. Novembre privilégie clairement l’enquête, travaille son immédiateté et ses ratés, sacrifiant le développement des personnages sur l’autel de l’urgence et de la tension (là-dessus pas de problème : on est servi) que Jimenez traduit par une mise en scène alerte mais sans âme, singeant le plus souvent les tics et conventions d’un certain cinéma d’action américain (Bigelow, Berg, Greengrass…), ou comme s’acquittant d’un banal épisode d’Homeland ou de 24 heures chrono.

Et puis franchement, quand cessera-t-on de filmer des lâchés de pigeons, en mode John Woo ou Michael Bay, dès que des voitures approchent ? Ou un personnage assis au sol entouré de photos et de dossiers épars comme si cela allait l’aider à tout résoudre ? Ou des photos punaisées à un mur et reliées entre elles par des fils rouges ? Coincé entre respect total des événements (encore que l’assaut final ait été tronqué dans sa durée, quelques minutes contre plusieurs heures, et faussé dans son déroulé et son efficacité, depuis remis en cause), refus de dramaturgie excessive et envie de cinéma qui prend aux tripes (tout en filmant, la plupart du temps, des bureaux et des salles d’interrogatoire), Jimenez paraît tout hésitant, tout donner et tout miser uniquement sur la forme (classique), livrant une œuvre à la fois sèche et prenante, mais vidée de substance. Pire encore, et parce qu’on y évoque quand même les attentats de 2015, traumatisme national et tragédie indélébile, pire donc : anecdotique.
 

Cédric Jimenez sur SEUIL CRITIQUE(S) : Aux yeux de tous, BAC Nord.

Novembre
Tag(s) : #Films, #Cannes 2022

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