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La bête dans la jungle

C’est une boîte de nuit sans nom, c’est comme ça, elle n’a pas de nom, mais une boîte qui, au fil des modes, des énergies, des évolutions musicales (du disco à la house) et des convulsions historiques (la victoire présidentielle de Mitterrand, le Sida, la chute du mur de Berlin, les attentats du 11 septembre), se transformerait, passerait, si on veut, du Studio 54 au Palace, puis du Queen au Berghain. C’est là, sous les néons de couleurs et les lasers déployés, que May et John se rencontrent, mais sans doute se sont-ils déjà rencontrés, des années auparavant, ils étaient jeunes alors, et John est cet homme qui attend, depuis longtemps, que quelque chose arrive, il ne sait pas quoi exactement, mais il sait que quelque chose va arriver, sacrifiant ainsi son destin, en entier, à cette attente, une chimère peut-être, une obsession en vérité, mais pour quel achèvement, et pour quelle victoire ?

Adaptation libre et contemporaine du roman d’Henry James (à laquelle Patric Chiha aurait entremêlé celles de L’homme qui danse de Victor Jestin et de 95 de Philippe Joanny), La bête dans la jungle transpose dans un dancing glamour les errements existentiels de son héros à travers trois décennies, de la fin des années 70 jusqu’au début des années 2000. John, cet homme immobile au milieu d’une foule toujours mouvante, ondulante, guette l’événement qui pourrait venir et tout changer pour lui, proposant à May de l’accompagner dans cette quête inexprimable. Et ce couple qu’ils forment, ce couple qui n’en est pas un, étrange, beau, inassouvi, fuyant sans cesse l’instant présent, moins pour elle, qui aime danser et s’oublier, que pour lui, raide, à l’affût, et l’amour possible aussi mais qui n’adviendra pas, ce couple donc, qu’observe Chiha dans l’euphorie et la mélancolie d’un devenir night-club, se bouleverse et se cherche, rôde dans l’éclat des spots vers un absolu fantoche (cette bête donc, tapie ?). Tragique enfin, à la lumière du jour, quand il faut comprendre que la jouissance de la vie était ce graal à saisir, et non à espérer.

Déconcertant, à la fois conceptuel et malhabile, La bête dans la jungle déroule son scénario vaporeux au gré de scènes de danse/transe magnifiques et de scènes de dialogues pas toujours convaincantes (à l’instar de cette voix off inutile scandée par une Béatrice Dalle en icône atone). En résulte un film au rythme répétitif et bancal, capable de nous envoûter, nous entraîner avec lui sur le dancefloor irisé pour, la seconde d’après, nous ennuyer profondément, voire nous agacer (le jeu délibérément désincarné de Tom Mercier finit par ne plus séduire, ne plus faire sens, surtout quand Anaïs Demoustier, à ses côtés, rayonne de mille feux). Le charme ici se rompt, trop souvent, et restera cette impression, dans ce tourbillon de fêtes qui ravissent, de fêtes qui se terminent, de fêtes qui recommencent, et les rêves et les désillusions c’est tout comme, d’un poème de noctambule laissé inachevé.

La bête dans la jungle
Tag(s) : #Films

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