Avant d’être réalisateur, Alex Anwandter est d’abord une star de la chanson au Chili et dans toute l’Amérique latine. En 2012, un jeune fan d’Anwandter, Daniel Zamudio, a été tué lors d'une agression homophobe (avec une loi anti-discriminatoire votée à la suite de sa mort). Profondément choqué, Anwandter a décidé d’écrire et de réaliser son premier film en s’inspirant de ce drame, tout en souhaitant rendre l’histoire de Daniel plus universelle face à une homophobie toujours plus présente (et toujours plus répressive, toujours plus violente) à travers le monde (voir l'horreur absolue qui se déroule actuellement en Tchétchénie où l’on enlève, tue et torture des homosexuels).
Le film suit d’abord la vie, presque insouciante dans cette Santiago polluée et poisseuse, de Daniel (ses amours, ses envies de cabaret, ses ennuis avec les brutes du quartier, pas très amènes avec les gays…), celle d’un adolescent comme des milliers d’autres qui exulte, se révèle et cherche à vivre ses rêves. Son agression va engendrer un changement de point de vue (et un déséquilibre dans le scénario) en se recentrant sur son père, ce père qui semble découvrir soudain qui était son fils en recueillant, au fur et à mesure, quelques éléments de son existence (la trousse de maquillage, les cours de danse, les aveux de la voisine…) dont il ne savait finalement pas grand-chose (parce que muré dans son travail et une sorte de déni de l’identité de Daniel).
Entre impuissance (contre la justice, les assurances, son associé…) et dignité (face à la tragédie), Juan ne sait plus quoi faire, et la rage qui, doucement, le tiraillait, se transforme en désarroi devant la faillite des institutions et l’état critique de son fils. Mais Anwandter finit par éparpiller ce propos en multipliant les pistes (femme médecin compatissante, différent professionnel, recherche des coupables…), et la douleur de ce père meurtri est ramenée, de fait, à un détail, du quasi secondaire, de l’anecdotique. Étrangement, l’empathie que l’on avait pour lui finit par laisser place à de la lassitude et de l’indifférence (renforcées par une affreuse photographie délavée et une mise en scène brouillonne entrecroisant, grossièrement, envolées esthétiques et visées réalistes). Anwandter a voulu bien faire en s’attaquant à un sujet qui, plus que jamais, mérite une visibilité considérable, mais dont il a dû mal à développer correctement la structure narrative, à l’image de ce final frustrant et maladroit.