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Place publique

C’était couru d’avance, ça se devinait d’emblée au vu des premières images : le nouveau Jaoui/Bacri sent bon le réchauffé, le tiédasse, le fond de tiroir raclé jusqu’aux pieds de la commode. Pour sûr, ici on est en terrain conquis, c’est toujours agréable un Jaoui/Bacri, ça a un côté qui rassure, ça ronronne, y’a du dialogue en béton armé, on y rit forcément (merci Jean-Pierre), et puis ça change des comédies épouvantables et consternantes, véritables affronts à l’intelligence et au bon goût, de Kev Adams, Philippe Lacheau, Philippe de Chauveron et Cie. Mais bon, Place publique a quand même des allures de fin de catalogue qu’on jurerait écrit la tête coincée entre deux téléviseurs, l’un diffusant Le sens de la fête et l’autre Cuisines et dépendances.

Une pendaison de crémaillère à la campagne est donc l’occasion pour les Jabac de réunir un échantillon de tout ce qui se fait actuellement dans la société en opposant statuts et caractères : célébrités et anonymes, jeunes et vieux, parigots et bouseux, petits chefs et larbins, youtubeur et animateur télé, intime et publique, humanisme et cynisme, postiche et vrais cheveux. Et d’évoquer également les réseaux sociaux, les réfugiés, le temps qui passe et les autres, cet éternel enfer… Sauf que leur scénario se contente d’enchaîner banalités et généralités, running gags et deux ou trois saillies drolatiques, n’oubliant pas non plus de réduire les personnages à des stéréotypes, chacun trop marqué dans ses petites attributions. Mais ne l’étaient-ils pas déjà, d’une certaine façon, dans Cuisine et dépendances, Un air de famille ou Le goût des autres ?

On a connu les Jabac nettement plus inspirés (Smoking / No smoking, On connaît la chanson, Parlez-moi de la pluie), et nettement moins formatés aussi. Et si certaines réparties font mouche, et si Bacri, en ersatz moumouté de Thierry Ardisson, parvient encore à nous amuser dans un énième rôle de ronchon revenu de tout mais sympathique en vrai alors qu’on pourrait croire que non mais qu’en fait oui, et si le tout n’est pas totalement déplaisant (grâce surtout à la joyeuse et bonne volonté des acteurs), Place publique manque singulièrement de nuances et de pertinence (ne parlons même pas de la mise en scène, inexistante, et de l’affreuse photographie d’Yves Angelo), spectacle ingrat, spectacle indigne du talent passé de nos deux compères.

Place publique
Tag(s) : #Films

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