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The nightingale

La Tasmanie, c’est ce petit bout d’Australie, cette île coincée entre la patrie des kangourous et l’Antarctique, plus au nord. À partir de 1803, elle fut colonisée par l’Empire britannique (avant de servir de colonie pénitencière) qui, sur place, ne fit pas de quartier : la population aborigène y fut persécutée, paupérisée puis finalement exterminée. C’est dans ce contexte précis, en 1825, que Clare entreprend de se venger d’officiers britanniques qui l’ont violée, ont tué son mari ainsi que son bébé. Avec l’aide d’un jeune guide aborigène, Billy, elle les traque à travers le bush tasmanien, bien décidée à rendre justice puisque justice lui a été refusée (parce que c’est une femme, et parce que pauvre, et parce qu’ancienne voleuse).

Plus de quatre ans après le remarqué Mister Babadook, Jennifer Kent revient avec un film d’une incroyable sauvagerie (pas grand-chose n’est épargné aux différents personnages du film, et donc aux spectateurs) dont le genre rape & revenge est très vite supplanté par le récit d’une rencontre. Rencontre entre Clare et Billy, d’abord difficile (la haine envers les aborigènes est tenace) puis se muant en une relation de respect et de confiance. Rencontre, chacune à son niveau, entre deux minorités, l’une sans cesse ramenée à sa condition de défouloir sexuel et/ou qui doit se taire, l’autre pour ce qu’elle représente aux yeux des Blancs : rien, ou nécessairement un assassin, ou un sauvage, voire un cannibale. Les deux, en tout cas, proies de l’intolérance et de la brutalité des hommes jusque dans leur foyer et sur leur terre.

Sans musique, sans fioriture et sans cinémascope (format 4:3 resserré et étouffant), Kent, quelque part entre Les hauts de Hurlevent et I spit on your grave, livre une œuvre minimaliste, tendue et formellement superbe magnifiant les paysages âpres de la Tasmanie où s’exacerberont honneur, vengeance et instinct de survie. Aisling Franciosi et Baykali Ganambarr, inestimables découvertes, forment un duo évidemment atypique dont le rapprochement, plein de souffrances, de rage commune et finalement d’humanité (scène bouleversante où Billy est invité à manger sa soupe à table), offre un contrepoint salvateur aux horreurs qui jamais ne s’arrêtent et disent toute l’indéfectible violence, à travers les siècles, de sociétés malades de leurs propres dérives.


Jennifer Kent sur SEUIL CRITIQUE(S) : Mister Babadook.

The nightingale
Tag(s) : #Films

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