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The green knight

Quand on vit, et admira pour beaucoup, ou exécra pour d’autres, ce que David Lowery fût capable de faire d’une histoire de deuil avec un simple drap et une tarte, on subodore que rien n’est impossible, et possiblement beau, de sa relecture toute personnelle d’un ancien récit arthurien. Plus précisément d’un poème écrit vers la fin du 14e siècle par un auteur resté inconnu, Sire Gauvain et le chevalier vert, relatant les aventures de Gauvain, chevalier parmi les nombreux de la Table ronde, dont la bravoure et les vertus se trouvent mises à l’épreuve face au défi lancé par un mystérieux chevalier vert, homme feuillu surgit d’incantations maternelles, demandant qu’on lui portât un coup et, qu’en retour, qu’il rendît ce coup à son tour.

Mais Gauvain, dans sa fraîche ferveur à prouver au Roi Arthur et sa dévotion et son courage, étête le chevalier vert qui s’en repart ainsi, sa caboche à la main. Gauvain, penaud, n’a plus le choix. Dans un an et un jour, il devra se rendre à la chapelle verte pour y accomplir son "destin", rendu funeste : être décapité par le chevalier vert. À une fière épopée arborant armures rutilantes et célébrant moult vaillances, Lowery préfère le conte mélancolique et à tiroirs. "Réimagine" les mythes et les légendes (sa Table ronde n’y est qu’une forme de sépulcre avec son Roi et sa Reine blafards, des majestés émaciées ; et ses chevaliers paraissent désœuvrés, attendant on ne sait qui ou on ne sait quoi ; et cette obscurité lourde qui s’impose autour d’eux, comme les engloutissant).

Magnifie une quête, mais d’abord quête de l’intime, où Gauvain, sans cesse malmené (de corps et d’esprit), est confronté à lui-même, à ce qu’il apprendra et lui révèlera son odyssée vers cette chapelle où l’attend le couperet. Moins valeureux paladin qu’homme faillible, Lowery déploie mille trésors visuels et émotionnels pour simplement dire la vraie nature, héroïque ou pas, qui nous habite à la vaine illusion d’être. Et, in fine, sa sereine acceptation, nuque ployée et dégagée. Si le propos n’a, pour sûr, rien de bien nouveau (c’est là l’éternel périple initiatique parsemé d’embûches et de rencontres hyper signifiantes, c’est là l’éternelle Odyssée homérique), c’est dans son traitement esthétique que Lowery fait des merveilles.

On est loin ici de l’adaptation tarte à la crème dite L’épée du vaillant réalisée en 1984 (et sans parler de celle de 1973) avec, dans le rôle du chevalier vert, un sémillant Sean Connery en mode Chevaliers du Zodiaque recouvert de paillettes. La narration de Lowery y est tantôt alanguie, tantôt heurtée, toujours fluide même dans ses quelques facéties temporelles héritées de A ghost story. Sa mise en scène compose, elle enlumine, elle cisèle, et chaque plan est harmonie, chaque plan est tableau, repensant à sa façon, à la fois contemplative et singulière, l’imagerie d’une heroic fantasy de rêve (ô, doux souvenirs d’Excalibur, de Ladyhawke, de Willow…) dont, toujours, on voudrait s’abreuver.


David Lowery sur SEUIL CRITIQUE(S) : Les amants du Texas, A ghost story.

The green knight
Tag(s) : #Films

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