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Inexorable

Lettre à Fabrice


Je vous ai aimé, au premier regard. J’ai aimé votre style, et cette singularité, vous le saviez ? Non, bien sûr, comment auriez-vous pu ? Je vous ai aimé immédiatement, à l’époque, rappelez-vous, c’était Calvaire alors, quel choc, quelle entrée en matière pour votre premier film, et à Gérardmer vous aviez brillé, on vous avait encensé. Fut un temps donc où j’aimais vos films et, longtemps, je vous ai même défendu. Dès Vinyan, ensuite pour Colt 45, et nous étions peu, c’est vrai, mais j’étais de ceux-là, et alors que vous aviez renié votre film, craché dans sa gueule. De ceux encore à vouloir vous soutenir, à justifier les écarts sans y prêter attention. À vouloir y croire, et c’était beau, cette volonté-là. C’est à partir d’Alleluia que j’ai senti une distance, un truc pas clair. Que j’ai senti que nous nous éloignions.

Message from the king, et Adoration surtout, ont comme précipité les choses. Il y avait bouleversement soudain, il y avait finitude. Dans un sursaut d’espoir, et parce qu’un lien indéfectible semblait exister encore entre nous, pensais-je, et parce qu’Ineroxable s’annonçait sous les meilleurs auspices, j’ai donc vu votre dernier film. Y croire, encore ; cette volonté-là, toujours. Croire à cette espèce de mix foutraque, et puisqu’il faut citer, citons les films qui paraissent évidents, entre The housemaid et La main sur le berceau mâtinés d’un soupçon de Théorème, de Liaison fatale et de Parasite. Croire à cette histoire d’écrivain en panne, de baby-sitter étrange cachant ses intentions ; à cette histoire où le passé vous rattrape, vous hante et, finalement, vous met au tapis.

Mais je vous le dis, et vous vous en doutez donc, rien, absolument rien ne fonctionne ici. Le suspens est inexistant (mais c’est plutôt qu’on se contrefout de tout, et parce que tout est pauvre narrativement, et rarement subtil) et la tension sans cesse court-circuitée par des dialogues insipides qui manquent de force, de tenue, de hargne, de venin, de tout, par une interprétation limite (Poelvoorde, Bellugi, Doutey : personne ne brille, personne ne s’en sort) et par des situations éculées, vues mille fois ailleurs, indignes de votre talent, de votre vous d’avant, que vous ne parvenez jamais à renouveler, à dynamiter, à parasiter de l’intérieur. Même le final est raté, quelle hérésie, provoque éventuellement un tressautement de l’œil, très sûrement une salve de bâillements. Votre tentative de home invasion insidieux sur fond de liens et de filiation troubles, dont j’attendais tant, et dont j’estimais qu’il permettrait enfin de revenir vers votre cinéma, m’éloigne en fait de vous. Pour de bon.
 

Fabrice Du Welz sur SEUIL CRITIQUE(S) : Vinyan, Colt 45, Alleluia, Adoration, La passion selon Béatrice.

Inexorable
Tag(s) : #Films

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