Ou comment un chapardage de quelques euros en salle des professeurs d’un collège va enclencher un soudain désagrègement moral. Ou comment une jeune enseignante, idéaliste et progressiste, en butte contre les accusations de vol qu’aurait commis un de ses élèves, d’origine étrangère, et les préjugés et méthodes de certains de ses collègues, va rapidement se retrouver dépassée par les événements qu’elle a elle-même, en cherchant à confondre le vrai voleur, initiés. Ou comment, en croyant bien faire, en pensant agir de façon juste, Clara sera fragilisée dans ses certitudes, et ses espérances aussi. Ou comment un lieu clos, lieu de savoir et de valeurs inculqués, sorte de représentation microcosmique de la société, va devenir théâtre et état des lieux de nos travers désignés (cynisme, racisme, délation, wokisme mal placé…).
İlker Çatak et son scénariste Johannes Duncker ont une approche des faits qui tiendrait presque du thriller psychologique tant le récit ménage ce qu’il faut de tensions, de suspens et d’ambiance peu à peu oppressive (accentuée par une bande-son ad hoc). Au cœur de celui-ci, il y a surtout un thème qui finit par s’imposer : la question de la vérité. Ou plutôt la recherche de la vérité. Et comment la trouver (le film d’ailleurs ne répondra pas vraiment aux interrogations qu’il pose ni à celles que l’on se pose), comment la démontrer et la dire quand ne s’opposent à tout raisonnement, à toute exactitude, que déni et rumeurs, contradictions et partialité ?
On pourra regretter que le scénario ne suive, et sans jamais s’en départir, qu’un pur processus de démonstration (démonstratif ?) faisant l’impasse de personnages davantage incarnés (élèves, parents, professeurs, administration, pas grand monde n’y échappe), pensés ici sans background, telles des représentations types de comportements et de postures dont le caractère, les failles et la détermination, ne se révèleraient qu’au moment de faire des choix ou d’affirmer ses opinions (c’est un parti-pris qui a été discuté puis assumé par Çatak et Duncker, et qu’il faut accepter tel quel). Il n’en reste pas moins que le film sait distiller un malaise en sondant nos petits arrangements avec nos grands principes, faillibles finalement dès qu’il s’agit de les mettre en pratique. Et ce jusqu’à sa dernière scène où il semble livrer un constat sec et tranchant avec cette image d’un élève porté comme sur un trône, unique vainqueur de la confrontation à laquelle nous avons assisté : au-delà donc de la vérité et des preuves, du vrai ou du faux, ne s’impose qu’une force de conviction, et qu’importe son bien-fondé, qui suffit à faire acte de raison.