En fait t’as aussi quelques inconvénients à avoir grandi dans les années 80, parce que maintenant que t’es devenu un parfait spécimen de la génération X croisé à un boomer, tu te fais avoir comme un bleu dès qu’un revival nostalgique de dessins animés ou feuilletons de ton enfance débarque en adaptation (souvent catastrophique) ciné ou série. La dernière en date ? L’homme qui tombe à pic. Série phare (pas mythique, mais phare) des années 80, la création de Glen A. Larson (un peu le Ryan Murphy de l’époque, qui produisait des séries à tour de bras dont Magnum, Manimal ou encore K 2000) avait pour héros Colt Seavers, cascadeur à Hollywood qui, pour arrondir ses fins de mois, se transformait en chasseur de primes, aidé dans ses enquêtes par son cousin Howard, cascadeur débutant, et la cascadeuse Jody.
Et puis il était trop cool, Colt, il conduisait son gros GMC Sierra Grande, fumait des cigares et avait sa baignoire à l’extérieur de son chalet, situé sur les hauteurs de Los Angeles. L’idée d’une adaptation de L’homme qui tombe à pic remonte au début des années 2000, c’est dire la pugnacité des studios à vouloir en faire une, et on se dit que plus de vingt ans de tractations, de développements divers et de projets avortés pour en arriver à ce Fall guy insignifiant et médiocre, c’est quand même désespérément grandiose (ou l’inverse). L’intrigue du film ne garde que le nom et la profession du personnage de la série, s’embourbant dans un récit inintéressant d’acteur mégalo et méchant que notre Colt international va tenter d’empêcher de nuire (tout en essayant de reconquérir celle qu’il aime éperdument).
Le scénario hésite constamment entre spectaculaire, romance neuneu, hommage à la profession de cascadeur (auquel on préfèrera celui du magnifique The fall de Tarsem Singh) et mise en abyme méta (ou bêta, on ne sait plus trop), n’arrivant jamais à trouver le bon équilibre ni le ton adéquat. En résulte une bouillie narrative où l’on endure pendant deux heures, entre bâillements carabinés et prises de conscience (terribles) que l’on est en train de regarder une merde, cascades molles (la mise en scène de David Leitch est une mise en scène de l’épate avant d’être une mise en scène au service de l’action), sex appeal périmé de Ryan Gosling, œil de biche et regard perdu d’Emily Blunt et enjeux narratifs aussi palpitants que dans un Besson. Vingt ans pour ça donc. Vingt ans pour ce bidule balourd. Et pourtant… Pourtant tu sais… Tu sais qu’ils t’auront avec leur possible prochaine adaptation. Ils t’auront avec L’amour du risque, avec Clair de lune ou Madame est servie. Et tu ne pourras rien y faire.