De quand, de quel temps n’avais-je plus connu tel emportement, telle ivresse terrible pour une œuvre ouverte à tant de sublime ? Et dans le transport intact, frémissant, des lumières doucement rallumées, mon cœur s’étreint, s’arrête si précisément ; une émotion s’accapare de sous ma peau, ourlée, belle captive en moi s’ingéniant à me suffoquer, me dévorer de si magnifiques façons que n’osant, ainsi, avouer mon affection.
Qu’aurais-je su d’elle d’avant, qu’aurais-je entrevu de ses évidences, soudain si parfaites dans un mouvement, de ce récit fait de grâces et de croyances ? Deux beaux épris d’un désir absolu, plus fragile que ces instants de rosée, un matin sur quelques herbes nues qui les virent parfois s’abandonner. Par cette grande fenêtre, ce battant large et précis, j’entendais le vent qui s’amusait dans les feuilles et les joncs, et les ailes des rossignols cognant dans ces feuilles aussi, et plus loin où ils s’adoraient le friselis des papillons.
Dans les prairies avec ces gens sur les à-côtés, je les voyais s’aimer de purs et fervents sentiments, chastes et dans un même regard si pressés, de peur que s’éveillent les limbes et le temps. D’un hiver à un été, puis d’un nouvel hiver admirable, de ces saisons suffisent à nous rappeler, dans leur fougue et leurs élans charitables, qu’une passion n’a jamais de seuil ni d’orée, qu’elle est vaste, à un point considérable et sans même une seule seconde à sacrifier.
De ces baisers et frôlements de mains, qu’il est possible de déceler tant de faveurs, mais aussi, et d’un jugement certain, les premiers tourments et les premières fureurs ; car l’amour, et plus sûrement qu’il emporte, sait vaincre ou blesser ou reprendre, face à la mort il est plus cruel encore qu’en sorte, telle une oraison de chagrins et de cendres, il laisse absent, transi par les larmes, et prêt à plier ou rendre les armes.
Poésie brûlante, fiévreuse tel un fou d’amour sous la braise, à chaque lettre écrite à la plume, lue, exacte et merveilleuse, comme un soleil qu’un miracle ne ferait fondre la neige, mais au contraire partagerait la flamme et la nature précieuse. Et si, dans le ciel, les étoiles scintillent, brillantes à ne plus pouvoir les compter, qu’importe alors les frêles et ruants exils, c’est dans un beau soupir qu’elles m’ont emmené.
Jane Campion sur SEUIL CRITIQUE(S) : The power of the dog.