Oslo, 31 août avait placé haut, très haut (trop haut ?), les espoirs en Joachim Trier, et créé de fait une attente inquiète, totalement démesurée, à l’aune de son bouleversant chef-d’œuvre. Comment faire chose égale, sinon meilleure ? Comment en préserver intact la beauté sidérante et l’héritage précieux ? Difficile donc de voir Back home en mettant là, de côté, Oslo, 31 août, et en admettant même ses propres spécificités (sujet différent, autre environnement, acteurs mastodontes). Oslo, 31 août venait à nous au fur et à mesure, feutré et inquiet, quand Back home, sorte de tragédie moderne d’une singularité pourtant désuète, cherche à s’imposer de suite comme une évidence émotionnelle et formaliste.
Cette histoire de deuil et de secret familial qui n’en est plus un (madame, grande photographe de guerre, est dépressive et se serait suicidée) n’a finalement pas grand-chose d’original à nous proposer, rien qu’un père dépassé par les événements et par son plus jeune fils avec qui il ne parvient plus à communiquer, adolescent introverti et borderline se réfugiant dans les jeux vidéo et l’écriture expiatoire, et puis un autre, le plus grand, fuyant son mariage et sa récente paternité en allant baisouiller avec son ex. Le film se balade entre passé et présent (et rêves aussi), alternant sans surprises points de vue du père ou des deux fils, parfois de la mère disparue tel un fantôme qui traîne dans la maison, ou d’autres personnes tournoyant autour. Ça ressemble à du Atom Egoyan de jadis, à la belle époque d’Exotica et de The sweet hereafter (temporalités changeantes, mystères vaporeux et résurgents), mais sans la grâce de ces deux-là.
Certes, Trier est toujours prompt à saisir les vibratos du mal-être et de la mélancolie, et Back home a ce qu’il faut de scènes magnifiques (par exemple quand Conrad réalise la volonté de sa mère à disparaître, dans la voiture) pour qu’on ne parvienne à le rejeter entièrement. Mais de l’ensemble s’impose une impression de maîtrise figée dans la perfection et une sophistication à tout prix se prévalant du crédit critique et esthétique d’Oslo, 31 août. La fluidité et la sensibilité fragile de ce dernier se sont volatilisées, engourdies ici d’un sérieux compassé oblitérant toute part de mystère, tout vertige affectif, toute hantise. Plus fort que les bombes, clamait le précédent titre du film ; non, plus lourd. Nuance
Joachim Trier sur SEUIL CRITIQUE(S) : Nouvelle donne, Oslo, 31 août, Thelma, Julie (en 12 chapitres).