Charlie Kaufman, on le connaît, c’est le mec avec cette tête d’ahuri dépressif, scénariste génial et torturé chez Michel Gondry (Human nature, Eternal sunshine of the spotless mind) et Spike Jonze (Dans la peau de John Malkovich, Adaptation). Il a réalisé un film aussi (Synecdoche, New York), et puis celui-ci avec Duke Johnson (rien à voir avec ce cher Dwayne). Comme Wes Anderson ou Tim Burton, Kaufman s’est décidé à réaliser un long-métrage en stop-motion, histoire de bien se compliquer la tâche (plus de 118 000 plans nécessaires pour 1h30 de film), qui raconterait, encore et toujours, la vie d’un type en train de se morfondre sur la vie et sur sa vie de la vie de tous les jours (de la vie), le tout en mises en abîme délirantes.
Le type là, c’est Michael Stone, époux, papa et auteur du best-seller Comment puis-je vous aider à les aider ?, en pleine confrontation avec la dure banalité (et réalité) de son existence. Lors d’un congrès de professionnels des services clients où il doit intervenir, seul et un peu perdu dans ce grand hôtel impersonnel, il rencontre Lisa qui pourrait s’avérer être l’amour de sa vie, le vrai, celui qu’il attendait pour pallier à son désespoir, contrecarrer sa solitude. Parmi les mêmes voix, parmi les mêmes visages qui, de partout, l’assaillent et l’entourent, parmi la monotonie de son quotidien où tout se ressemble, où tout se norme, où tout se trouble, Michael rencontre Lisa, timide et imparfaite, mais différente. Unique, c’est là l’essentiel.
Anomalisa, c’est un peu Lost in translation à Cincinnati, ou un Bird people en marionnettes. Un tel projet a évidemment de quoi intriguer et enthousiasmer, à la base, sauf qu’il ne se passe rien de nouveau sous le spleen kaufmanien décliné une fois de plus jusqu’à la lie (broyer du noir, faire la gueule, se remettre en question, faire le point…). Si l’animation procure d’abord son petit effet d’étrangeté, elle indiffère à la longue en offrant d’étroites perspectives à l’ensemble desservi par un scénario flapi (un comble pour Kaufman), trop souvent confiné dans la chambre de Michael où peu d’enjeux parviennent à se distinguer du matériau d’origine, pourtant emballant : montrer que l’amour nous fait sentir nous-même, et que le bonheur ne serait, quoi ? Qu’un instant volé, volatile ?
Charlie Kaufman sur SEUIL CRITIQUE(S) : Je veux juste en finir.