Des carcasses d’immeubles et des grues, à l’infini. Des trous dans la terre, des terrains vagues, des palais dorés en devenir, des vues sur paradis avec piscines et climatiseurs… Diamond Island se construit là, sur les rives du Mékong à Phnom Penh, Éden monumental pour riches occidentaux grouillant de jeunes cambodgiens qui bâtissent et qui érigent, sans broncher, un futur qui ne leur appartiendra pas (ou à peine, du bout des doigts). Ces jeunes qui fuient les campagnes pauvres avec des rêves en pagaille dans la tête, et les désillusions qui vont avec… Rêves d’Amérique et d’argent, d’une moto ou du nouvel iPhone.
Se risquant à une figuration pop plutôt qu’à un misérabilisme forcé (le sujet s’y prêtait pourtant), Davy Chou fait de son film un doux poème sur ces forçats d’une modernité à sens unique, poème plein de néons, de nuits bariolées et phosphorescentes. Les fêtes foraines scintillent, les habits sont rose, vert ou bleu pastel, les peaux sont moites et les désirs naissants. Dans cette zone comme en attente, cette ville fantôme comme une chimère, c’est avant tout cette jeunesse, déconnectée du passé de son pays (les Khmers rouges, les traditions…) et incertaine de son avenir, qui intéresse Chou. C’est en montrer les tentations, l’énergie et la suavité qui le passionne.
Mais quand le film décide de s’attarder, dans son dernier tiers, sur la relation sentimentale entre Bora et Aza, le charme de Diamond Island, fait alors de tant de bruits, de couleurs et de lumières, se résorbe (puis s’étiole) sous la platitude d’une amourette à l’intérêt limité dans ses enjeux (un choix à faire, des regrets plus tard…), et contrariée aussi par des acteurs et des actrices qui, au-delà de leur beauté simple, magnifiée en permanence dans la laideur des chantiers et des bidonvilles, ne sont pas toujours très justes. Le film était pourtant une belle promesse, évocation irisée de filles et de garçons au milieu d’un monde dans le monde qui semble vouloir les dévorer, mais c’est une promesse qui ne sera pas tenue.