Buzz conséquent, plébiscite critique, succès commercial, phénomène cinématographique, consécration quasi divine sur le site Rotten tomatoes… Get out a tout pété et tout chamboulé, en tout cas aux États-Unis où les Américains ne se sont toujours pas remis d’une élection présidentielle catastrophique, ceci expliquant peut-être cela : un héros noir, des méchants blancs, et une farce sociale sur le racisme dans un pays au lourd passé ségrégationniste et à l’avenir incertain avec un Donald Trump pas vraiment enclin à l’ouverture. Ici en France, le film passe davantage pour un habile thriller domestique, éventuellement un chef-d’œuvre du genre pour quelques zélateurs qui semblent avoir vu la Vierge.
Chris et Rose forment un couple mixte depuis plusieurs mois déjà, et Chris s’apprête à rencontrer les parents de Rose (deux parfaits spécimens de la bourgeoisie blanche américaine) lors d’un week-end champêtre. Mais Chris va très vite se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond dans cette illusion d'un bonheur parfait affichée par ses beaux-parents. Get out commence et se déroule à la façon d’un cauchemar qui aurait assimilé Devine qui vient dîner ? au meilleur de Polanski (Répulsion, Rosemary’s baby, Le locataire…) avec comportements et situations bizarres, menace latente et paranoïa aiguë. Jouant sur un dérèglement progressif des détails du quotidien, des regards et des attitudes, Jordan Peele parvient à instiller une angoisse sourde dans une logique narrative qui prend son temps et se dérobe à toute surenchère (mais pas à deux ou trois facilités).
Mais voilà : la révélation finale tant attendue manque pas mal d’audace et de surprise (et vient faire retomber la tension du film en un clin d’œil) tout en restant bien vu, un rien sarcastique dans son fond. Get out aurait pu aller beaucoup plus loin (à la façon d’un Martyrs qui, lui, savait radicaliser son propos) dans ce délire de "coagulation" de l’identité noire avec la suprématie blanche, mais y préférant, dans son dernier quart d’heure, une sorte de bouillie horrifique vidée de sens à une réelle interrogation sur cet eugénisme inversé où le noir deviendrait, a contrario de tant d’exclusions et de racisme, une race à privilégier (pour ses qualités physiques, voir les références à Jesse Owens et Tiger Woods) comme alternative à la décrépitude annoncée du wasp.