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Le musée des merveilles

Cinquante ans séparent Rose et Ben. Cinquante ans les font se ressembler. Tous les deux ont presque douze ans, tous les deux souffrent de surdité et tous les deux sont en quête de l’amour des siens, Rose par rapport à ses parents (un père autoritaire et une mère, célèbre actrice du muet évoquant Lillian Gish, entièrement dévouée à sa carrière), et Ben cherchant à connaître, à savoir qui est son père (un libraire, un astronaute peut-être ?). Ces deux-là, à travers le temps qui passe (et qui a passé) et ce lien secret qui paraît les unir (que l’on aura tôt fait de comprendre), finiront forcément par se rencontrer à la faveur d’hasards et de coïncidences, de nuits étoilées et même de blackout légendaire (celui de New York les 13 et 14 juillet 1977).

Adaptant ici son propre roman, Brian Selznick s’est offert les services de Todd Haynes pour mettre en scène ce conte sur l’enfance aux allure de jeu de piste à la marabout bout de ficelle. À l’instar de Rose et de Ben, le spectateur avance dans le film au gré de découvertes et d’indices, et s’émerveille d’un New York où l’univers entier semble s’être soudain concentré, condensé en un seul point (le Queens Museum). De fait, on admire d’abord (et surtout) l’incroyable travail de reconstitution du Big Apple des années 20 (stylé et élégant) et des années 70 (sale et grouillant) sans que l’on se passionne (ou que l’on s’émeuve) de ce récit un rien convenu de famille traversée, sur trois générations, par les drames et les manquements (et la belle musique de Carter Burwell, personnage à part entière du film, n’y changera pas grand-chose).

Le montage alterné entre les deux époques sait jouer d’habiles échos et de jolies correspondances (un bateau sur l’eau, un orage qui gronde…), mais limite pourtant le film à une mécanique scénaristique qui ronronne gentiment. Pire : le final, censé faire figure de point d’orgue émotionnel, laisse complètement de marbre puisque les révélations qui s’y succèdent ont déjà eu à faire à notre sagacité, ne venant que platement confirmer ce que l’on savait déjà du pourquoi du comment (c’est-à-dire une banale histoire de filiation contrariée). Il y avait sans doute matière à laisser plus de mystères, de non-dits et d’imagination, pour que le film nous chavire complètement et se transforme en une odyssée secrète et magique, une odyssée de l’intime ramenée à l’échelle d’une ville sous nos pieds où les souvenirs, disséminées ici et là, redessineraient, après le voyage, la carte du tendre et de l’amitié.
 

Todd Haynes sur SEUIL CRITIQUE(S) : Carol, Dark waters, May december.

Le musée des merveilles
Tag(s) : #Films, #Cannes 2017

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