Ça fait dix ans maintenant que Xavier Dolan a déboulé, sans prévenir, dans nos vies de cinéma et s’y est imposé, brillamment, dès son premier film. Avec, bien sûr, des hauts (Laurence anyways, Juste la fin du monde) et des bas (Mommy, Ma vie avec John F. Donovan), mais toujours avec de la sincérité, une ferveur qui l’anime à 300%. Dolan on aime, ou Dolan ça irrite, un peu comme Kechiche ou Honoré. Et Matthias et Maxime, son huitième film, devrait continuer à diviser. Certains le trouveront simple et touchant, d’autres agaçant et ennuyeux. La routine quoi. En tout cas Dolan revient avec un film moins démonstratif que d’habitude (c’était déjà le cas avec Tom à la ferme).
Un film où ça chichite à peine, où les ralentis se font plus discrets, où ça s’envole moins lyriquement, mais qui n’évite pas, pour la énième fois, de nous refaire le coup de la mère harpie vs son rejeton (avec cette pauvre Anne Dorval qui s’y remet avec un sens du sacrifice exemplaire). Cette fois Dolan filme une bande d’amis trentenaires qui aiment à se vanner, à s’engueuler aussi et qui parlent comme ils rient, fort. Parmi eux il y a Matthias et Maxime qui, pour les besoins d’un court métrage amateur et parce que Matthias a perdu un pari stupide, s’embrassent sur la bouche face caméra. Un baiser a priori anodin mais révélant chez ces deux-là une sorte de lien amoureux (s’étaient-ils déjà vraiment embrassés en 3e ?) qui n’attendait qu’un signal, qu’une occasion pour se manifester et venir tout chambouler.
Et si Maxime semble, en apparence, peu perturbé par le contrecoup dudit baiser (trop occupé par sa mère malade et les préparatifs de son futur exil en Australie), Matthias en revanche (Gabriel d’Almeida Freitas, la bonne surprise du film) a bien du mal à gérer cette attirance pour Maxime, l’acceptant comme il peut tout en la rejetant maladroitement. À travers cette confusion (cette confrontation) des sentiments qui joue (trop ?) sur le non-dit et l’évitement, Dolan, tout juste trentenaire, filme de grands enfants prêts à devenir de jeunes adultes, avec ce que cela suppose de choix à faire et de responsabilités à prendre.
Bécot, sanglots, potos, tout ça se mélange dans un joyeux bordel (les dialogues sont souvent drôles et savoureux) dont la finalité louche vers la rom com qui ne dit pas son nom plutôt que le drame intimiste qui montrerait, une fois de plus, la passion (gay) comme une souffrance et la vie comme une chienne. Film mineur (parce que modeste ?) mais important (parce que charnière ?) dans la filmographie de Dolan, Matthias et Maxime entremêle désirs inexprimables et avenir incertain auxquels soudain il faut pouvoir se frotter. Cet avenir où, pour Dolan lui-même, il est question de passer à autre chose, de s’essayer au genre pourquoi pas, une série sans doute. Ou prendre des vacances, a-t-il dit.
Xavier Dolan sur SEUIL CRITIQUE(S) : J'ai tué ma mère, Les amours imaginaires, Laurence anyways, Tom à la ferme, Mommy, Juste la fin du monde, Ma vie avec John F. Donovan.