Ramin a quitté l’Iran et ses prisons, a pris un bateau en pensant rejoindre l’Europe, trouver ailleurs un peu plus de liberté, pour finalement se retrouver, par erreur, à Veracruz, perdu à l’autre bout du monde. Sans parler un mot d’espagnol, survivant comme il peut en enchaînant les boulots précaires, ne pouvant oublier ni son pays ni son petit ami resté à Téhéran, Ramin désespère de pouvoir quitter le Mexique pour rejoindre la Turquie ou la Grèce, et ce malgré l’amitié naissante (et ambiguë) avec Guillermo, un ancien membre de gang en cavale, et Leti, la gérante de l’hôtel où il s’est installé. Tous les trois, solitaires à leur façon et par la force des choses, vont tenter de communiquer, se soutenir dans l’adversité et dans leurs espoirs, partager quelques instants complices, simples et précieux.
Bani Khoshnoudi, elle-même iranienne, élevée aux États-Unis quand sa mère et son père ont fui la révolution islamique de 1979 et vivant aujourd’hui à Mexico, a mis un peu de son histoire (et celle de ses parents) dans l’histoire de Ramin. Entre nostalgie de son pays (malgré la répression et les tortures parce qu’il est gay) et découverte d’une nouvelle vie certes difficile, mais plus clémente, le parcours de Ramin est aussi celui de ces femmes et de ces hommes déracinés, et c’est, à travers lui, ce que Khoshnoudi a voulu montrer, cette universalité du drame des migrants à qui l’on impose exil et désespérance. De fait, Veracruz n’a pas été choisi au hasard, ancien port où transitaient esclaves puis, plus tard, réfugiés libanais ou espagnols cherchant à échapper à la guerre civile, et aujourd’hui métropole à moitié en ruines, comme oubliée, d’où partent des cargos immenses pour d’autres horizons et d’autres rêves.
Derrière cette toile de fond ancrée dans une réalité qui, depuis des siècles, semble se répéter sans cesse, Khoshnoudi brosse le portrait de trois êtres dont la solitude et la bienveillance permettent les rapprochements. Sans misérabilisme ni pathos, Khoshnoudi filme tout en douceur ces rapprochements affectifs et ces rapprochements des corps (une scène de danse, un baiser volé, une étreinte à l’issue incertaine…) dont Ramin sert d’épicentre. Arash Marandi, découvert dans A girl walks home alone at night, apporte une belle sensibilité à ce personnage mélancolique dont les repères, géographiques comme sentimentaux, se sont troublés, et réapprenant à vivre du mieux qu’il peut, loin des siens et de chez lui.