María et Ingvar sont seuls, seuls en harmonie au milieu des paysages sauvages et majestueux d’une Islande reculée. C’est là qu’ils ont leur ferme et qu’ils élèvent des moutons, vivant au gré du temps qui passe, des pluies, des vents et des agnelages. Autour pourtant, quelque chose semble rôder. Une force mystérieuse et ancestrale, venue des landes. Une ombre surgie des montagnes ou de la brume. Et quelle serait l’influence de cette force sur ce que vont découvrir María et Ingvar lors de la naissance d’une agnelle pas comme les autres, et dont la singulière particularité provoquera, chez les spectateurs, d’abord un effet de sidération puis une acceptation de l’extraordinaire, ou au contraire une forme de rejet face à un postulat qu’ils trouveront, au mieux, ridicule, au pire grotesque ?
Agnelle que María et Ingvar décident de garder et d’élever comme leur propre enfant sans se soucier de rien, aspirant à un simple bonheur, mais allant contre la toute-puissance et la détermination de la Nature, et ses quelques incarnations aussi. On pourrait croire, dit comme ça, que Lamb n’est qu’un film vaguement fantastique, voire un film flirtant avec l’horreur, mais c’est autre chose. Il se déploie sur d’autres terrains narratifs (principalement ceux du deuil et de la maternité) ; investit d’autres champs imaginaires. Valdimar Jóhannsson, son réalisateur, l’a ainsi expliqué : "C’est un conte tellement classique, avec un seul élément surréaliste […] Tellement de gens me demandent si je suis fan des films d’horreur aujourd’hui. Mais, à mes yeux, ce n’était pas un film d’horreur. On peut l’appeler film de genre, mais pour moi, c’est un poème visuel".
Voilà. Lamb est tel ce poème. Un poème ancien à susurrer au coin du feu. Une vieille légende qui se transmettrait de génération en génération. La présence au scénario de Sigurjón Birgir Sigurðsson, alias Sjón, auteur de poèmes, de romans et parolier de nombreuses chansons de Björk (et coscénariste du prochain Robert Eggers, The northman), n’est pas étrangère à cette volonté-là. Lamb se nourrit de silences et de mystères (évoquer le film, c’est en parler le moins possible), de beautés rudes et de confrontation entre l’Homme et les forces naturelles qui l’entourent et dont il croit pouvoir triompher. Si la trame scénaristique a malheureusement tendance à s’étirer inutilement (la venue du frère d’Ingvar, pas vraiment nécessaire, parasite en partie les vrais enjeux du récit) et à délaisser un peu trop l’aspect insolite qui, en premier lieu, savait séduire, il n’en reste pas moins que Lamb fait son petit (et curieux) effet, aidé en cela par une magnifique Noomi Rapace qui offre son singulier visage de fée nordique à cette femme retrouvant, loin des conventions, la grâce et la rage de ses instincts maternels.