Il y avait tout pour plaire dans Disco boy, vraiment tout, un récit mystérieux vaporeux, la belle photographie d’Hélène Louvart, la musique électrisante de Vitalic et le charisme magnétique de Franz Rogowski, sauf que non, sauf que rien, sauf que volontés et réalité s’emboîteront mal, qu’enjeux et personnages resteront ternes, désincarnés, pas touchants. Du début à la fin, il n’y aura plus grand-chose pour plaire dans Disco boy : on s’ennuiera chic, on s’ennuiera ferme, à la limite quelques émerveillements parfois viendront nous émoustiller, et puis après on se moquera bien de ce qui pourra advenir des un(e)s et des autres, d’Aleksei fuyant la Biélorussie et rejoignant la Légion étrangère, de Jomo, jeune révolutionnaire luttant contre les compagnies pétrolières qui ont dévasté son village au Nigeria, ou de sa sœur Udoka finissant danseuse à Paris.
Giacomo Abbruzzese s’est égaré dans ses ambitions à l’instar d’un scénario s’égarant dans des circonvolutions trop flagrantes, et nous égarant enfin tout au long d’un film au rythme décousu dont l’intérêt peine à dépasser celui d’un exercice de style qui cache mal son insignifiance. Parce que pour un film invoquant sans cesse les flux (des corps et des âmes), le mouvement (de Biélorussie à l’Europe, de la France au Nigeria, de Paris à la jungle) et la pulsation (la musique, la danse, la transe, les cœurs), celui-ci en manque singulièrement, de rythme, décousu certes, mais dont l’absence criante se vérifie (puis, hélas, s’impose) au fil de scènes qui presque à chaque fois ratent le coche, s’étirant inutilement ou, au contraire, s’interrompant trop brusquement (la séquence de combat en caméra thermique entre Aleksei et Jomo, qui pourtant a fait vibrer tout le monde, est l’exemple flagrant d’une rythmique bancale venant gâcher la scène).
Et puis de style, Disco boy paraît en abuser, mélangeant à sa façon ici du Weerasethakul, là du Carax, ici encore du Winding Refn ou du Denis, mais sans jamais parvenir à trouver le sien, se contentant le plus souvent, dans un élan pas vraiment homogène, d’enchaîner les effets de manche esthétiques et de sortir le grand jeu sensoriel pour épater la galerie (ce qui, évidemment, n’a pas loupé : un ours d’argent au festival de Berlin et des critiques toutes en pâmoison). À la croisée du film social, de l’expérimental et du fantastique, voire du fantasmagorique, Disco boy cherche à nous parler d’exil et de perte, de rêves et de fantômes, de transmission et de folie du monde (et même de croisement des mondes), pour finalement n’accoucher que d’un agrégat arty d’intentions qui aurait pu, avec davantage de rigueur, davantage d’harmonie dans la structure de son tempo narratif et la régurgitation de ses influences, donner ce film beau et hallucinatoire qu’on espérait.