Revenant à Rome et à ses amours maffieuses après une incursion hollywoodienne à moitié probante (la suite de Sicario, plutôt réussie, et Sans aucun remords, nanar de commande à oublier pour l’éternité), Stefano Sollima signe pour l’occasion un polar noir et mélancolique en forme de tragédie filiale, le tout sur fond de canicule et d’avant-goût d’Apocalypse (rien que ça). Car pendant que les incendies de forêts font rage aux alentours de Rome, accablée de chaleur et régulièrement perturbée par des coupures de courant, les destins de plusieurs personnages vont se (re)croiser et se rentrer dedans, révélant la corruption, l’inimité et le goût de la vengeance qui gangrènent les rapports humains.
Seul espoir : une jeunesse qui refuse cette transmission de la violence de leurs pères ; d’une société qui ne fait plus de cadeaux. Manuel, 16 ans, est traqué par trois flics ripoux (ripoux par nécessité davantage que par pure vénalité) après avoir compromis un projet de chantage contre un politicien (auquel il participait malgré lui). Un ami de son père, ancien parrain désormais déchu et gâteux, l’envoie chercher de l’aide auprès de Cammello qui travailla, il y a longtemps, pour son père avant que celui-ci ne le trahisse. Sollima et son scénariste Stefano Bises orchestrent patiemment (le film ne s’appelle pas Adagio pour rien) les enjeux, tensions et rancœurs qui s’opèrent entre des hommes (les femmes n’ont quasiment pas leur place ici ; ici on baigne dans une masculinité du monde d’avant) à la poursuite de leurs illusions perdues et d’une vaine rédemption.
Et Adagio raconte surtout ça, la fin d’un règne, la chute d’un empire, et d’un changement possible à l’horizon. Les hommes et les pères sont fatigués, usés ou malades (cécité, sénilité, cancer…), comme expiant leurs péchés pour finir emportés par leurs démons. On n’est pas, dans Adagio, dans un film de mafia à l’ancienne (Le parrain) ou plus actuel (Gomorra), un film avec règlements de comptes pour l’honneur et trafics en tous genres. On est dans un film de survie. Les flammes qui entourent Rome et les cendres qui tombent du ciel font office à la fois, certes sans grande finesse, de présages funestes et de renaissance. Sollima filme sec et crépusculaire. Sollima filme des corps en souffrance et des âmes en sursis, s’agitant dans un monde lui aussi à l’agonie dont subsisterait quelque espoir d’un avenir plus apaisé
Stefano Sollima sur SEUIL CRITIQUE(S) : A.C.A.B. - All cops are bastards, Suburra, Sicario - La guerre des cartels, Sans aucun remords.