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A girl walks home alone at night

C’est facile d’amuser vos amis, par exemple il suffit de leur dire, assez nonchalamment d'ailleurs : "Ça vous dit ce soir d’aller voir un film iranien en noir et blanc sur une fille vampire en tchador ?". Rires garantis. Pas complètement résigné, vous tentez alors le tout pour le tout, l’argument en béton : "Non mais il y a Marshall Manesh quoi, celui qui joue Ranjit, le chauffeur de taxi et de limousine dans How I met your mother". Bruits de toux, regards gênés, craquements d’os. En gros, vous irez voir tout seul comme une pauvresse votre film iranien en noir et blanc sur une fille vampire en tchador, premier film très remarqué (mais pas vraiment remarquable) d’Ana Lily Amirpour.

Parce que oui, le cinéma iranien ne se résume pas qu’à Asghar Farhadi, Jafar Panahi ou Abbas Kiarostami. Amirpour chahute gentiment ce petit côté guindé et solennel qu’ont ses aînés en livrant un élégant exercice de style qui marierait poésie éthérée et féminisme sous-jacent, expressionisme allemand et pastiche de films de genre. A girl walks home alone at night ressemble aussi à du Jim Jarmusch première époque (Stranger than paradise, Down by law), sorte de nonchalance chic imbibée de musique cool et indé. Tout ça pour raconter l’histoire d’une jeune femme pas très causante en marinière et voile noir, buveuse de sang la nuit qui rôde en ville (fantôme), comme rescapée d’une improbable fin du monde (il y a un charnier pas loin et les rues sont vides), et tombe amoureuse du James Dean local qui se prend pour Marlon Brando dans L’équipée sauvage.

S’il y a bien un mot pouvant résumer ce film, ce serait "malgré". Malgré comme malgré un noir et blanc somptueux, comme malgré une actrice hypnotique (Sheila Vand), malgré une mise en scène privilégiant cadres et minimalisme chiadés, malgré des idées parfois cocasses (non contente de sortir les crocs, notre héroïne sait faire du skate), malgré une atmosphère délicieusement sombre et décalée, malgré les morceaux pop et techno qui viennent parfois nous électriser (qui a dit réveiller ?), malgré donc, le film est d’un ennui totalement mortel. Les scènes se traînent, se vident et se perdent, s’étirent de façon inutile, et cette esthétique du vide recherchée par Amirpour ne fait justement qu’en brasser, brisant tout le charme et la singularité du film dans une impuissance concrète à soutenir l’expérience sur plus d’une heure et demi et, surtout, à simplement surprendre passé les premières minutes. Et parfois quand il est minuit, vous percevez encore le rire de vos amis et leurs bruits de toux, et puis des craquements d’os aussi.

A girl walks home alone at night
Tag(s) : #Films

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