Quatrième (et dernière ?) mission pour Ethan Hunt, et déjà quinze ans de bons et loyaux services depuis que Brian De Palma s’est amusé à dynamiter en premier la série télé pour en faire un thriller explosif hanté par ses nombreuses obsessions formelles (suivi plus tard de John Woo puis de J. J. Abrams). Aujourd’hui, c’est Brad Bird, quand même le papa du Géant de fer (LE meilleur dessin animé du monde), des Indestructibles et de Ratatouille, qui s’y colle avec succès et doit faire face à un cahier des charges gravé dans le marbre : belle pépée sortant d’une voiture de sport, gadgets high-tech et un Tom Cruise sous amphétamines réalisant une cascade off the limits (suspendu dans les airs pendant des heures, faisant de la grimpette à mains nues dans les canyons du Colorado ou crapahutant sans trucages ni doublure à l’extérieur du 130e étage de la tour Burj Khalifa de Dubaï).
Ce Protocole fantôme a de la gueule, sans conteste, et même si Brad Bird ne parvient pas à imposer, à créer un style comme avaient su le faire ses prédécesseurs (qui, de toute façon, en avaient déjà un), il passe haut la main l’examen du tournage live (mise en scène fluide, carrée, nerveuse) en s’amusant comme un fou des clichés et des énormités du genre. Dommage en revanche que le scénario recycle sans originalité (et sur plus de deux heures) une vieille intrigue poussiéreuse de codes secrets et de missiles nucléaires entre la Russie et les États-Unis, thème archi-usé qui fit le bonheur des films d’action hollywoodiens dans les années 80.
Dommage également que le bad guy de service (Michael Nyqvist, transparent) manque singulièrement de charisme et de mordant, alors qu’on eût droit jadis aux si savoureux Philip Seymour Hoffman ou Vanessa Redgrave. Du coup, c’est Léa Seydoux qui épate la galerie en tueuse à gage française aussi belle qu’impitoyable. Mais qu’importe : complètement fun et d’une coolitude à toute épreuve, ce nouvel épisode procure rires (Simon Pegg, à l’humour décontracté) et adrénaline avec une envie flagrante de faire plaisir et de faire aussi du bon boulot.
Toute la partie à Dubaï est très réussie, presque un film à elle toute seule avec un cocktail parfait de suspens (la double séquence de l’échange codes/diamants, retorse à souhait), d’action et de tempête de sable monstrueuse, tout comme la scène du "couloir" au Kremlin, visuellement excitante (et que n’aurait pas reniée De Palma). En comparaison, le final "ludique", à défaut d’être vraiment spectaculaire, se la joue profil bas et vient clore le film sur une touche un tantinet mineure. Entre le renouveau noir corsé de James Bond et l’irrévérence explosive de L'agence tous risques, la saga Mission : Impossible, misant avant tout sur une efficacité old school, parvient donc encore à surprendre et à se surprendre elle-même.
Ethan Hunt sur SEUIL CRITIQUE(S) : Mission : Impossible III, Mission : Impossible - Rogue nation, Mission : Impossible - Fallout, Mission : Impossible - Dead reckoning (partie 1).