Dès les premières scènes, John Cameron Mitchell n'élude rien d'un érotisme complètement décomplexé : un homme, très souple visiblement, se suce et s’éjacule au visage. Un couple hétéro s'amuse dans toutes les positions possibles. Une dominatrice s’occupe de son jeune client qui finit par juter sur un Pollock... Très intelligemment, ces scènes, presque non érotiques, servent davantage à établir une "psychologie" (par le sexe) des personnages qu’à simplement exhiber des bites et des paires de fesses pour choquer à tout va. Le soir venu, James, Jamie, Sofia, Severin et les autres se retrouvent au Shortbus, club underground où la parole est aussi essentielle, aussi vitale que l’expression entière du corps. On chante, on se confie, on refait le monde, on baise surtout, à deux ou à plusieurs, des hommes, des femmes, des vieux, des jeunes, des trans, des homos, des lesbiennes, des bi…
Le Shortbus, c’est une petite bulle de liberté dans une Amérique post-11 septembre gangrenée par la peur de tout, y compris celle du sexe et de l’amour. Davantage qu'un esprit libertaire et contestataire joyeusement revendiqué à l’écran (une séance de vibro débridée, l’hymne américain chanté au fin fond d'un anus…), Shortbus évoque ce mal-être général d’aujourd’hui qu’est celui de ne pas trouver sa place (la sienne ou par rapport à l’autre), celui qui nous fait douter, qui nous fait nous demander ce qu’il peut y avoir de plus important chez l’autre, sa couleur de peau ou son humanité, sa religion ou sa tolérance, sa capacité à faire jouir ou sa façon d'aimer. Fantaisiste, pudique malgré son effronterie, le film, servi par une bande de comédiens remarquables, est une pause euphorique et débridée dans la banalité du quotidien, du sexe virtuel et du prêt-à-penser.
John Cameron Mitchell sur SEUIL CRITIQUE(S) : Rabbit hole.