Après les récents Split, Get out, Don’t breathe ou même Green room, voici un nouvel exemple de film de genre au potentiel énorme (avec une idée de départ originale, du moins bien trouvée) pourtant incapable d’en tirer autre chose qu’un produit standard offrant à peine deux ou trois frissons. Sans un bruit avait tout pour devenir une œuvre aboutie (un truc stylé mélangeant La route à La guerre des mondes, avec un soupçon de It comes at night), voire inédite, voire culte, parvenant à transcender son concept initial et en proposer un modèle du genre, ou quelque chose s’en approchant. Ici, en l’occurrence, des créatures sanguinaires ayant envahi la Terre, aveugles mais ultra réceptives au moindre son émis, obligeant désormais femmes, hommes et enfants (et une famille en particulier) à vivre sans faire un seul bruit (ne rien renverser, ne rien cogner, ne plus parler…).
Les possibilités de mise en scène, avec un tel dispositif scénaristique, sont forcément multiples et passionnantes, mais John Krasinski et ses scénaristes n’en tirent pas grand-chose (la scène dans le silo illustrant à merveille ce sentiment de frustration et de gâchis), sinon des situations prévisibles et rebattues quand elles ne sont pas à la limite du vraisemblable. Par exemple, en étant purement pragmatique et sans vouloir jouer les rabat-joie, dans une société post-apocalyptique envahie de monstres pouvant vous entendre éternuer à des kilomètres, pourquoi aller s’amuser à mettre sa femme enceinte (à moins d’être inconscient, ou débile, ou les deux) en connaissant les "dangers" propres à la chose, genre un bébé qui pleure, qui hurle ou qui gazouille ?
Sans parler de cette fin indigente (spoiler) où, évidemment, ce sont la fille et la mère (passée en mode badass ridicule) qui découvrent, par hasard, comment venir à bout des aliens grâce à une bidouille sonore qui, par son évidence, aurait pu être trouvée depuis belle lurette (l’armée et les scientifiques n’y ont donc pas pensé avant, pas même une seule seconde ?). Sans un bruit abonde ainsi de scènes a priori excitantes sur le papier qui auraient pu déboucher sur de grands moments de terreur sèche (la séquence pré-générique, impeccable), mais cédant trop facilement à des plans passe-partout, un montage paresseux et quelques jump scares dispensables.
Et puis pour un film basé en entier sur la notion de silence absolu, nécessaire à la survie des personnages, pourquoi diable avoir décidé d’y plaquer par-dessus une musique insipide en surlignant les effets ? Pourquoi ne pas avoir, au contraire, privilégié et étendu ce silence à tous les niveaux du film ? Pour le reste, la réalisation fait peu état des richesses conceptuelles de son scénario, Emily Blunt fait les gros yeux (ou les roulent d’effroi, selon l’humeur), et Millicent Simmonds et Noah Jupe sont à peu près aussi insupportables que Arianna Richards et Joseph Mazzello dans Jurassic Park. Et, comble pour un film auquel il faut prêter l’oreille, il ne reste finalement que nos yeux, face à une telle déception, pour larmoyer en silence.